CORÉE DU NORD
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Nom officiel |
République populaire démocratique de Corée (KP)
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Chef de l'État et du gouvernement |
Kim Jong-un (depuis le 11 avril 2012)
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Capitale |
Pyongyang
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Langue officielle |
Coréen
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Unité monétaire |
Won nord-coréen (KPW)
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Population (estim.) |
26 299 000 (2024)
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Superficie |
123 214 km²
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La Corée du Nord (République populaire démocratique de Corée, R.P.D.C., Choson minjujŭi immin konghwaguk), fondée en 1948, est un pays totalitaire, un des plus fermés au monde, où règne la famille Kim, Kim Il-sung de 1948 à 1994, son fils Kim Jong-il de 1994 à 2011, puis le fils de celui-ci, Kim Jong-un. L'idéologie de la R.P.D.C. est le juche, qui se traduit par une économie autonome (autarcie) et une défense nationale indépendante.
Très montagneux et soumis à un climat hivernal rigoureux, le pays est certes désavantagé sur le plan agricole, mais on y trouvait la quasi-totalité des installations industrielles et hydroélectriques laissées par le colonisateur japonais, faisant de lui un État beaucoup plus développé que le Sud agricole jusqu'à la fin des années 1960.
La guerre de Corée, provoquée par Kim Il-sung, n'eut pour conséquence que ruines et hémorragie démographique. La capitale Pyongyang comptait 3,25 millions d'habitants en 2008, et une dizaine de villes plus de 300 000 habitants. Les autorités maintiennent la politique de la dispersion démographique.
Malgré les plans successifs, dont les objectifs étaient irréalistes, l'industrie et l'agriculture ne firent pas de progrès substantiel faute de technologie, d'énergie, de matières premières, et d'investissements. Qui plus est, le régime maintient près d'un million de jeunes au service militaire durant plus de cinq ans.
Tous les secteurs économiques sont nationalisés, organisés en coopératives, dirigés par le parti unique, le Parti du travail. La population, endoctrinée, mobilisée pour des travaux irrationnels, souffre de grave carence alimentaire chronique.
Le régime cultive cependant l'ambition de faire du pays une puissance nucléaire, menaçant ainsi l'équilibre de la paix régionale et mondiale.
Géographie
Limitée au sud par la zone démilitarisée (D.M.Z.), frontière fermée qui la sépare de la Corée du Sud depuis 1953, au nord par les fleuves Yalu (Amnok) et Tumen (Tuman) formant les frontières avec la Chine, la Corée du Nord, un des derniers pays communistes de la planète, est un peu plus grande que la Corée du Sud (122 000 km2) et environ deux fois moins peuplée (population estimée à près de 25 millions d’habitants en 2013). Depuis les réformes chinoises (1978) et la chute du bloc soviétique, la Corée du Nord, plus développée que le Sud jusque dans les années 1970 mais mal connue en raison de l'incertitude statistique, est confrontée à une grave crise de son système fondé sur l'idéologie du juche qui prône l'autonomie politique, l’indépendance militaire et l'autarcie économique. Fils du « Grand Leader » Kim Il-sung (dirigeant jusqu'à sa mort en 1994), Kim Jong-il s'est appuyé sur l'armée pour assurer son contrôle sur le pays, qu'il a toutefois engagé sur la voie des réformes économiques en 1998. Son troisième fils, Kim Jong-un, lui a succédé à sa mort en 2011.
Tandis que se met difficilement en place un régime mixte introduisant certains éléments de capitalisme, la Corée du Nord présente aujourd'hui des indicateurs de développement atypiques : elle conjugue en effet une grande pauvreté (un P.N.B. par habitant estimé à moins de 1 000 dollars en 2013), une crise alimentaire chronique (plus d'un tiers des Nord-Coréens souffrent de malnutrition), un taux de chômage beaucoup plus important que les chiffres officiels et une faible productivité, avec une économie industrielle (47 % du P.N.B. au secteur secondaire), un taux d'accroissement naturel faible (estimé à 0,53 %) et un taux d'alphabétisation proche de 100 % pour les plus de dix ans. Malgré une amélioration depuis 1995, les signes d'une crise persistante sont manifestes : le taux d'urbanisation est estimé à 60 % en 2011 et l'espérance de vie, qui bien que s'étant redressée depuis 1999, a baissé depuis le début des années 1990 (plus de 74 ans en 1991 ; 69,3 ans en 2008).
Richesses et contraintes des montagnes nord-coréennes
La Corée du Nord se présente comme un pays plus continental que maritime. Les espaces montagneux, prolongements méridionaux des hauts plateaux de Mandchourie orientale, représentent plus de 80 % de son territoire. L'intérieur du pays est occupé par le plateau basaltique de Kaema, qui porte le point culminant de la péninsule, le mont Paektu (2 744 m), partagé entre la Corée du Nord et la Chine depuis 1962, mais dont l'importance spirituelle comme lieu du mythe fondateur du peuple coréen continue d'animer une controverse frontalière à laquelle prend également part la Corée du Sud. À l'ouest, la chaîne de Nangnim, véritable barrière intérieure du pays aux sommets culminants à plus de 2 000 m, forme la principale ligne de partage des eaux, tandis qu'à l'est, la structure continue de la chaîne de Hamgyŏng ne s'interrompt que par le corridor de Wŏnsan, principale voie de communication entre l'est et l'ouest. Formés essentiellement de matériaux cristallins (granite et gneiss) et creusés d'étroites vallées, ces ensembles montagneux regorgent de richesses minières (fer et cuivre) et énergétiques (charbon au nord-est, énorme potentiel hydroélectrique) qui ont constitué la base du développement industriel dès l'époque japonaise.
Hormis le Tumen, qui s'écoule d'ouest en est, les principaux fleuves nord-coréens (le Yalu, le Ch'ŏngch'ŏn et le Taedong) se jettent dans la mer Jaune et ont formé les seules plaines importantes du pays. Les contraintes d'un climat dans l'ensemble plus froid (moyennes de janvier partout négatives) et moins humide qu'au Sud limitent la production agricole à une seule récolte annuelle.
Contrôle spatial de la population et dynamiques du peuplement
Mises en place en 1958 sur le modèle chinois, les communes, rurales ou urbaines, et qui comptent jusqu'à trois cents familles, sont à la base de la vie socio-économique de la Corée du Nord, structurant l'ensemble de la vie quotidienne où domine le principe de la subordination des individus à l'intérêt commun. D'autres organisations spécifiques, comme l'inminban (communauté de voisinage comptant une vingtaine de familles), assurent la surveillance de la population, qui n'a pas d'accès à l'information extérieure.
Le territoire nord-coréen se caractérise aussi par une ségrégation socio-spatiale à l'échelle nationale, du centre politico-social – la capitale Pyongyang est le lieu de résidence des élites et des cadres du Parti – aux provinces centrales où se situent la plupart des camps de travail, qui détiendraient entre cent cinquante mille et deux cent mille personnes au milieu des années 2000. Le contrôle des migrations intérieures qui, depuis le début des années 2000, a permis d'apporter aux plaines agricoles occidentales de la main-d'œuvre venue du Nord et de l'Est, a entraîné le développement d'un réseau urbain plus équilibré qu'au Sud, malgré la prééminence de Pyongyang qui, avec environ 3 millions d'habitants en 2005 et située au cœur d'une région densément peuplée (plus de 200 hab./km2), devance nettement les deux villes secondaires, Namp'o et Hamhŭng (plus de 700 000 habitants). À côté de villes qui ont accueilli les zones économiques spéciales des réformes de 1998 (Kaesŏng et Sinŭiju), les autres villes de plus de 300 000 habitants (Hamhŭng, Ch'ŏngjin et Wŏnsan) sont les pôles industriels de la côte est, importante concentration de peuplement (un peu moins d'un tiers de la population totale).
Transformation des espaces économiques
S'appuyant sur une planification centralisée de type soviétique, le modèle de croissance nord-coréen a privilégié les industries lourdes. Véritablement lancée après la reconstruction qui a suivi la guerre de Corée (1950-1953), l'industrialisation a bénéficié des infrastructures laissées par les Japonais et de l'aide chinoise et soviétique. Durement affecté par la crise, le secteur secondaire repose principalement sur l'industrie minière et la machinerie lourde (dont une importante production d'armes), assurées par les entreprises d'État. Traditionnellement structuré autour de deux grandes régions, celle de Pyongyang et les grands pôles d'industrie lourde de la côte est, l'espace industriel nord-coréen a été transformé par le développement des zones économiques spéciales périphériques (Rajin-Sŏnbong créée en 1991, puis Sinŭiju, Kaesŏng et le mont Kŭmgang en 2002) et la croissance économique de la côte ouest.
Au total, la surface agricole utile couvre un peu plus d'un cinquième du territoire (2,1 millions d'hectares), dont 30 % de rizières (contre 51 % en Corée du Sud). Après la réforme agraire de 1946 puis la collectivisation des terres achevée en 1958, l'État a développé une agriculture industrielle, entraînant l'utilisation massive d'engrais qui a abouti, dans certaines zones, à un empoisonnement des sols par les sulfates.
Bien qu'entièrement électrifiées dès la fin des années 1950 et bénéficiant d'un réseau d'irrigation installé avec l'aide soviétique dans les années 1960 et 1970, les campagnes, pourtant déjà bien mécanisées à la fin des années 1970, ont été confrontées à une dégradation considérable de leurs infrastructures et de leurs équipements. L'ampleur de la déforestation, accélérant l'érosion des sols, n'est pas étrangère à la violence des inondations récurrentes que connaît le pays depuis le milieu des années 1990 et qui ont officiellement justifié l'appel à l'aide internationale en 1995. Sur fond de crise alimentaire persistante (la production céréalière aurait été divisée par deux depuis la fin des années 1980), la famine de 1995-1998 aurait fait environ 800 000 morts, contrairement à ce qu'annoncent tant les données officielles (50 000 victimes) que certaines sources avançant des chiffres supérieurs à deux millions de morts. L'autorisation des marchés ruraux (1998) et la réforme financière (2002) encourageant la production rizicole ont permis d'enrayer la crise. Mais la Corée du Nord, dont la production de céréales est très fluctuante en fonction des aléas climatiques et insuffisante par rapport aux besoins, est toujours dépendante de l'aide alimentaire extérieure, surtout fournie par la Chine et la Corée du Sud.
Le secteur tertiaire repose principalement sur les activités d'encadrement, notamment l'armée (qui absorbe environ un tiers du P.N.B.), dont les fonctions s'étendent à la gestion civile des populations et dont l'importance s'est accrue après la prise de pouvoir officielle de Kim Jong-il en 1998. Depuis 2011, Kim Jong-un paraît s’appuyer de manière plus équilibrée sur le Parti du travail nord-coréen (rodong tang) et prône une direction dite « double » (pyŏngjin), combinant développement économique et poursuite de la défense nucléaire, tout en continuant les réformes économiques lancées par son père (mesures de libéralisation de l’agriculture de juin 2012, confirmées en mai 2014).
Les régions de la Corée du Nord
Articulée sur les hauts plateaux de Kaema et les chaînes de Mach'ŏllyŏng, de Nangnim et de Hamgyŏng, la région centrale (qui couvre la province de Yanggang), aux faibles densités (moins de 50 hab./km2), est principalement vouée à la sylviculture et aux activités minières. Cette région, difficile d'accès, et dont les populations sont terriblement affectées par la crise, s'oppose à deux régions littorales où se concentrent les activités.
Limitée à un mince couloir de communication ne permettant pas de véritable développement agricole, la côte orientale est structurée, du nord au sud, par quatre grands complexes industrialo-urbains : la région industrielle de Ch'ŏngjin (chimie, sidérurgie, chantiers navals, port), bornée au nord par la zone frontalière de libre échange de Rajin-Sŏnbong, la région de Kimch'aek (sidérurgie), le doublet Hamhŭng-Hŭngnam (chimie, textile, machinerie, port) et la région de Wŏnsan (chimie, chantiers navals, base navale). Cette région, qui était un axe important de l’industrialisation planifiée des années 1960 et 1970, a été profondément affectée par la crise des années 1990 : les infrastructures de transports y sont considérablement dégradées et les usines très délabrées (beaucoup ont fermé). À l'ouest du pays, la capitale Pyongyang, hyper-centre politique, domine, avec son avant-port Namp'o (sidérurgie, chantiers navals, raffinage), une région dotée de complexes lourds (complexe sidérurgique de Hwangha) et comprenant d'autres grandes villes industrielles (Sariwŏn et Pyŏngsŏng). À côté de cet ensemble moins touché par la crise que le reste du pays et accueillant de grands travaux (autoroute, aménagement du fleuve Taedong), le bassin du moyen Ch'ŏngch'ŏn, où se sont développées les industries de matériel lourd et où se situe le centre de recherches nucléaires de Yŏngbyŏn, apparaît comme un pôle économique plus secondaire.
S'il est aujourd'hui difficile de connaître l'état exact de ces vieilles régions industrielles dont les usines ne tourneraient, dans certains endroits, pas à plus de 50 % de leurs capacités, les régions frontalières, mieux connues, traduisent les dynamiques en cours liées à la fois à la situation géopolitique, à la crise et aux réformes engagées. La frontière avec la Chine, zone de passage des réfugiés nord-coréens (estimés aujourd'hui entre 15 000 et 50 000 personnes), est désormais traversée par des flux commerciaux non négligeables. Les deux zones industrielles nord-coréennes proches de cette frontière, Rajin-Sŏnbong à l’est et Sinŭiju à l’ouest évoluent en fonction des avancées et des reculs liés aux relations extérieures de la Corée du Nord. Ainsi la zone industrielle de Rajin-Sŏnbong qui a longtemps souffert des difficultés de mise en place du programme de développement russo-sino-nord-coréen du fleuve Tumen en raison de la dégradation des relations russo-nord-coréennes, connaît-elle depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un un certain boom. Au contraire, celle de Sinŭiju, par laquelle transite la majorité des exportations nord-coréennes, après des débuts difficiles au tournant du siècle, connaît depuis lors un développement rapide et a déjà accueilli de nombreuses entreprises. À l'autre extrémité du pays, la région proche de la D.M.Z., qui concentre la majeure partie des effectifs de l'armée nord-coréenne (la quatrième du monde avec plus d'un million d'hommes), accueille les deux zones développées par une filiale du chaebŏl sud-coréen Hyundai, qui sont le résultat concret de la politique d'engagement de la Corée du Sud à l'égard du Nord : cinquante-deux mille ouvriers nord-coréens travaillent dans les treize usines d'industries légères de la zone industrielle de Kaesŏng, tandis que la zone touristique du mont Kŭmgang a accueilli plus de deux millions de visiteurs de 1998, date du lancement du circuit touristique, à 2008 (année où un accident a coûté la vie à une touriste sud-coréenne, abattue par un soldat nord-coréen).
Fermée au monde et habitée d'un sentiment extrême d'insécurité face à ses puissants voisins, la Corée du Nord (qui est entrée à l'O.N.U. en 1991 en même temps que la Corée du Sud) encourt de nombreuses sanctions de la part de la communauté internationale tant pour des raisons éthiques et politiques (droits de l'homme) que militaire (prolifération nucléaire) et économique (trafics de drogue et d'armes). Devenue un État nucléaire depuis l'essai du 9 octobre 2006, la Corée du Nord constitue un espace convoité par la Chine, son premier partenaire commercial avec un peu plus de 50 % du commerce extérieur nord-coréen. Depuis 2008, les relations avec la Corée du Sud (qui était devenue son deuxième partenaire commercial au milieu des années 2000) se sont considérablement dégradées, tandis que les États-Unis (allié traditionnel de la Corée du Sud) sont revenus en 2001 à la politique de l'endiguement, inspirée des milieux les plus conservateurs.
Histoire
Fondation de la République populaire démocratique de Corée
En 1945, l'armée soviétique, qui occupait la partie nord de la péninsule, reconnut le Comité populaire comme pouvoir représentatif des Coréens. Dès octobre, Kim Il-sung, né le 15 avril 1912, apparut devant la foule. Le 8 février 1946, Kim Il-sung, alors secrétaire général du Parti du travail (Parti communiste au début) fondé le 10 octobre 1945, devint président du Comité populaire provisoire. À la suite des élections générales du 19 février 1947 fut formée une Assemblée populaire dont l'exécutif fut le Comité populaire, avec Kim à sa tête.
Après la fondation de la république de Corée au Sud le 15 août 1948, le Nord organisa, le 25 août, les élections de 572 députés à l'Assemblée populaire suprême, qui se réunit le 1er septembre pour la première fois, adopta une Constitution et désigna Kim Premier ministre. La R.P.D.C. fut proclamée le 9 septembre 1948. L'armée populaire fut mise en place le 8 février 1949, après le départ des troupes soviétiques.
C'est à cette époque que Pak Hon-yong, leader des forces gauchistes dans la partie sud, se réfugia au Nord et devint vice-Premier ministre. Après la « guerre de libération de la patrie » (guerre de Corée, 1950-1953), déclenchée par Kim Il-sung le 25 juin 1950, qui fut un désastre, il fallait désigner les coupables. En août 1953, Pak et treize autres dirigeants venus du Sud furent arrêtés, onze d'entre eux exécutés. En 1958, les dirigeants des factions pro-chinoise et pro-soviétique tentèrent de prendre le pouvoir. Mais ils furent éliminés par les partisans de Kim, réclamant la « renaissance par ses propres forces » (charyŏk kaengsaeng). De là fut définitivement établi un système monolithique sous la direction incontestée de Kim Il-sung.
Un État socialiste et totalitaire
Dénonçant le révisionnisme et l'hégémonisme soviétiques et se méfiant de la révolution culturelle en Chine, le régime pratiqua une politique d'équidistance à l'égard de ces pays. Il appliqua une politique visant à construire un pays indépendant en matière d'économie (autosuffisance) et de défense nationale. Pour ce faire, le régime lança, en 1963, le mouvement « à l'allure de Ch'ŏllima » (cheval légendaire capable de parcourir 1 000 lieues en une journée) afin d'inciter les masses au travail. Dans la même optique, Kim adopta, en mars 1967, l'idéologie juche (ne compter que sur ses propres forces) ou « kimilsungisme », qui deviendra une espèce de « religion d'État ». Le 27 décembre 1972, la Corée du Nord adopta une nouvelle Constitution d'après laquelle Kim Il-sung, Premier ministre jusqu'alors, prit le titre de président de la République, et Pyongyang, capitale provisoire, devint la « capitale révolutionnaire ». La Constitution fut révisée, de nouveau, en avril 1992 et en septembre 1998.
Le régime est caractérisé par la présence de proches parents de Kim aux postes clés. Kim Jong-il (1942-2011), fils du président et de sa première épouse décédée en 1949, entra sur la scène politique à partir de 1972 grâce au mouvement des petits groupes des « trois révolutions » : idéologique (endoctrinement des masses), culturelle et technologique. Kim junior apparut comme le successeur de son père vers la fin des années 1970. Lors du VIe congrès du Parti du travail en octobre 1980, Kim Jong-il « cher dirigeant » devint l'un des cinq membres du présidium du bureau politique du comité central du parti. Mais le régime avait du mal à le faire reconnaître en tant que successeur de son père par ses alliés étrangers.
Après le décès de son père, Kim Jong-il prend les rênes du pouvoir. En décembre 1994, il est nommé commandant suprême des armées. Homme secret, Kim junior apparaît rarement en public et ne reçoit pratiquement pas de visiteurs étrangers, ce qui amène les spécialistes à s'interroger sur sa personnalité, ses intentions et ses capacités à diriger le pays. En attendant la fin du deuil national de trois ans décrété pour le président défunt, on spéculait sur la date de sa prise de fonctions à la tête de l'État et du parti. À la suite de la disparition des vieux compagnons de Kim Il-sung, Kim junior a procédé à la promotion de centaines de généraux et a placé ses proches à des postes de commande dans les armées. Le 8 octobre 1997, il est désigné secrétaire général du Parti du travail, et enfin, il accède à la présidence de la commission de la Défense et au poste de chef de l'État lors de la réunion plénière de l'Assemblée populaire (Parlement) en septembre 1998. Ainsi, il est à la tête des trois appareils fondamentaux du régime nord-coréen : l'État, le parti et l'armée.
Le Parti du travail, fondé le 10 octobre 1945, a la prérogative sur tout l'appareil étatique. Il est dirigé par le comité central (145 membres), qui comprend le secrétariat, le bureau politique, dont l'instance suprême est le présidium (5 membres) créé en 1985, et différentes commissions. Le comité central conduit la politique, planifie et dirige l'économie. Le congrès du parti a lieu tous les dix ans environ. En 2006, le Parti du travail compte 3,2 millions de membres. Il est dirigé par Kim Jong-Il, élu secrétaire général, en 1997 et en 2003.
Le pouvoir législatif est détenu par l'Assemblée populaire suprême (A.P.S.), composée de 687 députés élus pour cinq ans, le 3 août 2003. Les candidats sont désignés par le parti unique, et ils recueillent un résultat proche de 100 % des votants. L'A.P.S. est dirigée par le présidium dont le président assume le rôle de chef de l'État d'après la Constitution du 27 décembre 1972. Le président du présidium de l'A.P.S. est Kim Yong-nam. C'est lui qui représente l'État nord-coréen, et reçoit la créance des représentants étrangers. Le président est assisté par le Comité populaire dont relève le Conseil d'administration, pouvoir exécutif dirigé par un Premier ministre.
La Cour suprême dépend de la présidence de la République, et les magistrats des tribunaux sont désignés par l'Assemblée populaire.
Sur le plan diplomatique, Pyongyang est lié, depuis 1961, par des accords d'alliance avec la Chine et l'U.R.S.S., mais a dû habilement équilibrer ses rapports avec ses grands frères lorsqu'ils se disputaient sur la question de l'hégémonie. Pyongyang s'est trouvé isolé quand Séoul a établi des relations diplomatiques avec l'U.R.S.S., et avec ses pays satellites. Ces relations ont continué après la chute du bloc de l'Est. La Corée du Nord est abandonnée par son ex-alliée, l'U.R.S.S., puis la Russie qui, elle-même en difficulté économique, exige désormais que le pétrole qu'elle fournit à Pyongyang soit payé en devises et au prix du marché. Pyongyang s'est alors efforcé de se rapprocher davantage de Pékin. Kim Il-sung s'est rendu en Chine en septembre 1990 et en octobre 1991.
Son fils y est allé en mai 2000, et a demandé à Pékin une aide alimentaire de 800 millions de dollars, puis de nouveau en janvier et en octobre 2001, puis en avril 2004, pour visiter les zones économiques libres et étudier les réformes économiques. En juillet-août 2001, il s'est rendu en Russie, où son voyage a duré une vingtaine de jours, car il a voyagé en train spécial comme à son habitude. Le président chinois Jiang Jemin a effectué un voyage en Corée du Nord en septembre 2001 et le Premier ministre chinois Wen Jiabao en octobre 2003. Le président Hu Jintao s'est rendu à Pyongyang du 28 au 30 octobre 2005 à l'occasion du 60e anniversaire de la fondation du Parti du travail.
Du 23 au 25 octobre 2000, Madeleine Albright, secrétaire d'État américain, a fait une visite historique à Pyongyang afin de discuter sur la question du nucléaire.
Le Premier ministre japonais Koizumi Junichiro a effectué une visite surprise à Pyongyang le 17 septembre 2002. Par cette visite sans protocole, pour la première fois en tant que chef du gouvernement japonais, il a obtenu des informations sur les Japonais kidnappés dans les années 1970 par les services secrets nord-coréens. Par la suite, cinq Japonaises, épouses de Nord-Coréens, ont été autorisées à aller visiter leur famille au Japon, mais elles ne sont pas retournées en Corée du Nord. Il existe encore des cas non résolus. Le Premier ministre Abe Shinzo (2006-2007) fait de cette affaire des kidnappés l'action prioritaire de son gouvernement à l'égard de Pyongyang. La fin de la décennie de 2000 est marquée par des rumeurs concernant l’état de santé de Kim Jong-il, absent durant plusieurs mois de la scène politique en 2008. La nomination de son troisième fils Kim Jong-un au bureau politique du parti et à la commission militaire, en septembre 2010, entérine le statut de dauphin de celui-ci. En décembre 2011, à la mort de Kim Jong-il, il succède effectivement à son père, héritant d'un pays en pleine mutation. Il ne donne aucun signe d’ouverture du régime, engageant même une épuration de l'armée et de l'administration du Parti du travail au printemps de 2012. L’arrestation et l’exécution sommaire de Jang Song-taek, numéro deux du régime et oncle du président Kim Jong-un, en décembre 2013, constitue l'ultime épisode de cette procédure.
Économie et société
L'économie nord-coréenne est fondée sur la nationalisation et la collectivisation à 100 %, achevées en 1958. Elle est centralisée, planifiée et dirigée par le Parti du travail.
Dans ce « paradis socialiste », l'individu est pris en charge par l'État, de la naissance à la mort. La scolarisation et les soins médicaux sont gratuits ; il n'y a pas d'impôt. L'habillement et l'alimentation sont rationnés mais à bas prix ; le logement est attribué contre un loyer modique. En revanche, les salaires sont très bas ; les produits de luxe, vendus dans les magasins, sont hors de prix ; les gens n'ont pas le droit de circuler librement et sont soumis à un endoctrinement et à un travail forcé afin de réaliser les objectifs fixés. Sous un totalitarisme anachronique, le culte des Kim père et fils est poussé à son paroxysme.
La Corée du Nord a connu une forte diminution de sa population pendant la guerre de Corée. Elle comptait 9,7 millions d'habitants en 1949, mais seulement 9 millions en 1955 puisque, en plus des morts dus à la guerre, près d'un million de personnes avaient fui le régime communiste pour aller s'installer au Sud. Depuis lors, la population s'est accrue à un rythme rapide, pour atteindre 23,3 millions d'habitants en 2008, avec un taux d'accroissement annuel de 0,85 %. On estime à près d'un million et demi le nombre de personnes mortes de la famine entre 1995 et 2005.
Le Nord était favorisé, au départ, par la présence des industries lourdes que les Japonais y avaient laissées. Pyongyang bénéficia aussi de l'aide économique de ses alliés socialistes (U.R.S.S., Chine).
Avant la guerre, le pouvoir a lancé deux plans annuels de développement (1947 et 1948) et un plan biennal (1949-1950) et, après la guerre, il a mis en œuvre un plan triennal (1954-1956), un plan quinquennal (1957-1961), un plan septennal (1961-1967) prolongé jusqu'en 1970, suivi de trois autres plans septennaux (1971-1976 avec une année de réajustement, 1978-1984, 1985-1991). Depuis 1991, Pyongyang ne pratique plus le plan.
L'économie nord-coréenne, après avoir enregistré un taux de croissance remarquable avec 8,5 % en moyenne par an en 1961-1970, a subi ensuite une décélération accentuée, puis une croissance négative, entretenue par la crise financière mondiale de 2008.
La production agricole n'est plus suffisante à cause du manque d'engrais chimique et de fréquentes inondations. La quantité de céréales manquante est estimée à 2 millions de tonnes par an. Les famines ont obligé les autorités à réduire la ration de riz.
Le commerce est nationalisé, et le commerce extérieur ne joue qu'un rôle secondaire, répondant aux seuls besoins de la réalisation des plans. Concernant les exportations, les principaux partenaires sont la Chine, la Corée du Sud et l’Inde ; concernant les importations, ce sont la Chine, la Corée du Sud, la Russie et Singapour.
Le système de Daean, lancé en 1961, fait du comité du Parti du travail l'organe de gestion des entreprises. La croissance industrielle a été très forte dans les années 1950-1960, puis le rythme s'est ralenti. Elle est capable de produire des équipements lourds tels que machines-outils, presses lourdes, tracteurs, excavatrices, véhicules. Pourtant les Nord-Coréens s'aperçurent que ni l'U.R.S.S. ni les pays socialistes de l'Europe de l'Est n'étaient en mesure de lui fournir de nouvelles technologies. Alors, ils s'adressèrent au Japon et aux pays européens, ce qui entraîna un endettement. Pyongyang fut déclaré en cessation de paiement en août 1987.
La Corée du Nord souffre des conséquences de son isolement international et de la pénurie alimentaire. Aujourd'hui les usines vieillottes tournent bien au-dessous de leur capacité, faute d'énergie. L'impasse dans laquelle se trouve Pyongyang se traduit par de nombreuses défections, de simples citoyens aux plus hauts dirigeants. La plupart de ces transfuges vivent en Corée du Sud, et quelques-uns aux États-Unis.
Malgré les aides alimentaires d'organismes internationaux comme la F.A.O., l'O.M.S., l'U.N.I.C.E.F., Médecins sans frontières, et de pays comme la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis, ou l'Union européenne, les Nord-Coréens souffrent d'une carence alimentaire aiguë, à la suite des inondations successives qui ont détruit une grande partie des récoltes depuis 1995.
Dans ce pays socialiste, ce qui n'est pas fourni par l'État coûte très cher. Un travailleur nord-coréen perçoit un salaire mensuel « symbolique » de 3 000 wons pour son travail, qui est obligatoire. Pour survivre, il faut 50 000 wons pour une famille de quatre personnes, 100 000 wons pour une vie plus décente. Tous les habitants cultivent leur lopin de terre pour produire des fruits ou des légumes, ou élèvent quelques animaux domestiques qu'ils peuvent vendre au marché privé. Les marchés ruraux sont autorisés depuis 1998 dans le cadre des réformes économiques.
Alors que la majeure partie de la population vit dans la misère, souffrant des pénuries alimentaires, ce n'est pas le cas des cadres du Parti, des services secrets, des organismes qui sont en contact avec les Coréens du Sud. Les aides extérieures sont détournées de leur but initial. La corruption est généralisée.
Certains Nord-Coréens réussissent à s'enfuir en trompant les gardes frontières entre la Chine et la Corée du Nord. Le nombre total des réfugiés vivant au Sud atteint 6 000 personnes. Regroupés dans une association, ils sont aidés par le gouvernement sud-coréen et par les Églises, mais leur intégration n'est pas toujours facile, car ils ignorent le système capitaliste et la compétition.
Les relations inter-coréennes
De la confrontation au dialogue
Le 38e parallèle demeure un reliquat de la guerre froide. Au nord de cette zone démilitarisée de 4 kilomètres de largeur sur une longueur de 346 kilomètres, la Corée du Nord dispose d'une puissante armée de près d'un million d'hommes ; au sud, la Corée du Sud possède une armée de 688 000 hommes, et les États-Unis maintiennent 29 500 soldats. Depuis 1953, les invectives et les dialogues de sourd se succèdent, ponctués par des événements tragiques provoqués par le Nord : le détournement d'avions civils sud-coréens vers Pyongyang en 1958 et en 1969 et d'un avion civil japonais en 1970 ; l'envoi de trente et un commandos pour assassiner le président Park en janvier 1968 ; la capture d'un navire de renseignement américain, le Pueblo, en février 1968 et un avion de renseignements américain EC 121 abattu en avril 1969 ; des tunnels, creusés sous la zone démilitarisée, découverts en 1974 ; l'assassinat de deux soldats américains à coups de hache en août 1976 ; l'explosion d'un Boeing de la K.A.L., en Birmanie, en novembre 1987 (115 disparus) due à une bombe qui avait été posée par des terroristes nord-coréens, dont un membre fut arrêté et jugé à Séoul.
Toutefois, dans ce climat très tendu, le Nord et le Sud ont établi dans différents domaines des contacts qui, jusqu'en 1992, n'ont pas donné de résultats tangibles, sauf en 1972, 1984-1985, 1991-1992.
Dans le domaine sportif, les deux pays ont tenté de former une équipe commune, pour n'y parvenir qu'en 1991, l'année pendant laquelle une équipe conjointe de tennis de table a participé au 41e Championnat du monde, en avril-mai à Chiba au Japon, et une autre au 6e Championnat mondial de football junior, en juin au Portugal, arborant un drapeau à l'effigie de la péninsule coréenne sans la ligne de démarcation. L'équipe féminine de tennis de table, sous le nom de Korea, a même remporté une victoire historique, en battant celle de Chine. Arirang, la chanson folklorique coréenne la plus populaire, a été jouée en guise d'hymne national, suscitant l'émotion de tous les Coréens de chaque côté du 38e parallèle.
Dans le domaine civil, savants et artistes du Nord et du Sud ont noué des contacts à l'étranger : en Chine populaire, où il y a une région autonome (à Yuanben) des Coréens, au Japon, en Europe et aux États-Unis. En novembre 1991, une délégation de femmes nord-coréennes, conduite par Yo Yon-gu, a franchi le 38e parallèle pour participer à un séminaire organisé par les femmes sud-coréennes.
Dans le domaine commercial, il y a eu un seul contact entre les hommes d'affaires du Nord et du Sud dans un pays tiers en 1989, mais le nombre des contacts est passé à 11 en 1990 et à 118 en 1991. Le 27 juillet 1991, un cargo chargé de 5 000 tonnes de riz sud-coréen a quitté le port de Mokp'o au Sud à destination de Najin au Nord. En échange, les Nord-Coréens ont livré 30 000 tonnes de charbon et 11 000 tonnes de ciment. C'est le premier échange commercial direct entre le Nord et le Sud ; auparavant il existait seulement un commerce indirect, via Hong Kong et la Chine. Pyongyang a invité aussi les dirigeants des groupes sud-coréens : Hyundai en 1990, T'ongil en 1991, Daewoo en 1992. En janvier 1992, Pyongyang a annoncé la création de zones franches industrielles à Najin et à Ch'ŏngjin. Ces mesures prouvaient la volonté de Pyongyang d'introduire les capitaux sud-coréens et étrangers, mais cette initiative timide ne donna pas de résultat significatif.
Dans le domaine humanitaire, les Croix-Rouges des deux Corées menaient, depuis 1971, des négociations sur la question des familles séparées. Le 30 août 1972, les représentants de la Croix-Rouge du Sud se rendirent à Pyongyang. Les négociations se poursuivirent jusqu'en 1977 en vain. Toutefois, en 1984, le Nord accorda au Sud une aide alimentaire à la suite d'une inondation. Le Sud l'accepta uniquement pour garder le contact avec le Nord. Entre le 20 et le 23 septembre 1985, les Croix-Rouges des deux Corées organisèrent une visite simultanée à Séoul et à Pyongyang des familles séparées : 151 membres comprenant la délégation, une troupe d'artistes, des journalistes et une cinquantaine de membre des familles séparées pour chaque partie.
Les relations au niveau gouvernemental ont pris une tournure spectaculaire en 1991. En 1972 déjà, le président Park Chung-hee avait reçu à Séoul le vice-Premier ministre du Nord, Pak Chung-chol et le président Kim Il-sung avait eu un entretien avec Lee Hu-rak, directeur du K.C.I.A. Puis, Pyongyang et Séoul publièrent, le 4 juillet, un communiqué commun affirmant leur volonté de réunification. Un comité de coordination Nord-Sud fut créé par la suite. Jusqu'en 1977, il s'est réuni plusieurs fois avant de disparaître complètement.
C'est en 1989 que les deux parties reprirent les négociations sur une rencontre des Premiers ministres. Elles parvinrent finalement à un accord en juillet 1990. Ainsi, lors de la première rencontre des pourparlers de haut niveau (5-7 sept. 1990), le Premier ministre nord-coréen, Yon Hyong-muk, accompagné de 90 personnes, a franchi le 38e parallèle pour se rendre à Séoul. C'était la première fois qu'une visite avait lieu à ce niveau depuis 1948. Yon fut reçu par le président Roh Tae-woo. La deuxième rencontre eut lieu à Pyongyang (20-24 oct.). À cette occasion, le Premier ministre sud-coréen, Kang Yong-hun, eut un entretien avec le président Kim Il-sung. Après la troisième rencontre à Séoul (12-15 déc. 1990), les pourparlers furent suspendus pendant un an.
Entre-temps, en mai 1991, il était clair que la Corée du Sud entrerait à l'O.N.U. sans problème, la Chine populaire ayant affirmé son intention de ne pas user de son droit de veto. La Corée du Nord décida alors de poser, elle aussi, sa candidature en renonçant à demander l'entrée commune des deux Corées (comme un seul pays) à l'O.N.U. Les deux Corées sont entrées simultanément à l'O.N.U. le 17 septembre 1991.
Quant aux pourparlers de haut niveau, Pyongyang ajourna la quatrième rencontre prévue en août 1991 sous prétexte qu'il y avait danger de contamination par les Sud-Coréens, quelques cas de choléra ayant été signalés à ce moment-là, mais, en réalité, dans l'attente de l'issue du coup d'État manqué à Moscou.
Les pourparlers furent repris pour la quatrième fois à Pyongyang avec le nouveau Premier ministre sud-coréen Chung Won-shik (23-24 oct.). C'est lors de la cinquième rencontre (12-13 déc.) à Séoul que les deux Premiers ministres aboutirent, le 13 décembre 1991, à un « accord sur la réconciliation, la non-agression, la collaboration et les échanges entre le Nord et le Sud ». Accord-cadre qualifié d'« historique », le pacte stipule plusieurs points importants des relations entre les deux parties, mais il reste lettre morte. Les relations au niveau gouvernemental se trouvent au point mort depuis le décès de Kim Il-sung survenu en juillet 1994, malgré quelques investissements sud-coréens au Nord et les échanges commerciaux qui prennent de l'ampleur.
Amorce de relations concrètes
Les relations entre le Sud et le Nord sont plus actives dans les domaines culturel et économique. Le quotidien sud-coréen Choong'ang Ilbo a pu envoyer quatre missions culturelles en Corée du Nord en 1997-1998. Le fondateur du groupe Hyundai, Chung Ju-yung, originaire d'un village qui se situe juste au nord de la ligne de démarcation, a franchi celle-ci, le 16 mai 1998, pour une visite d'une semaine avec, en cadeau, cinq cents vaches chargées sur une cinquantaine de camions. Il est le premier homme d'affaires à avoir franchi cette ligne. Lors de sa deuxième visite au Nord (27-31 oct. 1998) avec un autre troupeau de cinq cent une vaches et une vingtaine de voitures en cadeau, il a rencontré le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il ; il est une des rares personnalités étrangères qui aient pu le rencontrer depuis qu'il se trouve à la tête du pays.
Dès son arrivée au pouvoir, le président sud-coréen Kim Dae-jung a pratiqué une politique dite « du soleil » (sunshine policy) à l'égard du Nord. Soutenu également par le préjugé favorable du Nord à son égard, son gouvernement a réussi à obtenir la faveur de Pyongyang. C'est la raison pour laquelle a pu avoir lieu une rencontre historique avec le dirigeant du Nord Kim Jong-il les 13-14 juin 2000. C'était l'occasion pour celui-ci de donner une image différente de lui-même à l'opinion mondiale : détendu, affable, confiant et éloquent. Cette rencontre au sommet a permis d'organiser la visite croisée des familles séparées (cent cinquante pour chaque partie) les 15-17 août et une deuxième en novembre 2000.
Quant à l'aide économique, le gouvernement de Kim Dae-jung (1998-2003) a fourni à la Corée du Nord 1,1 million de tonnes de riz et 950 000 tonnes d'engrais. Celui de Roh Moo-hyun (2003-2008) a accordé au Nord une aide économique sous forme de riz, de ciment, d'engrais, de matériels de construction. Le ministère sud-coréen de la Réunification a expliqué que le riz donné au Nord est du riz coréen dont le prix est cinq fois plus élevé que celui qu'on trouve sur le marché international. L'utilisation du riz sud-coréen consiste non seulement à aider le Nord, mais aussi à soutenir l'agriculture sud-coréenne. L'aide a été accélérée notamment à la suite de graves inondations au Nord en août 2006.
Dans le secteur privé, le groupe sud-coréen Hyundai Asan (filiale de Hyundai chargée de la coopération Nord-Sud) organise la tournée touristique des Sud-Coréens dans les monts Kûmgang à une cinquantaine de kilomètres au nord de la ligne de démarcation, sur la côte est, à partir de novembre 1998 avec deux paquebots en partance du port de Donghae, situé un peu au sud de la zone démilitarisée. En février 2003, Hyundai inaugure la tournée touristique sur le même site par voie terrestre. Entre novembre 1998 et septembre 2006, 1,3 million de Sud-Coréens ont ainsi visité les monts au Nord. Pour cela, Hyundai a payé aux autorités nord-coréennes 451 millions de dollars en espèces.
En août 2000, Hyundai a signé, avec les autorités de Pyongyang, un contrat exclusif sur sept grands projets contre 500 millions de dollars. Le groupe a investi 346 millions de dollars sur le site touristique de Kûmgang et le site industriel de Kaesông, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de la ligne de démarcation, inauguré en juin 2004.
Sur le site industriel de Kaesông, une dizaine d'entreprises sud-coréennes ont implanté des usines de transformation de matières premières apportées du Sud. Après les mandats de deux présidents favorables à la réconciliation avec la Corée du Nord, l’arrivée au pouvoir à Séoul, en 2008, du conservateur Lee Myung-bak change la donne. Plusieurs incidents militaires interviennent d’ailleurs durant le mandat de ce dernier : torpillage d’une corvette sud-coréenne par un sous-marin nord-coréen en mars 2010, tirs d’artillerie de l’armée nord-coréenne contre une île sud-coréenne en novembre de la même année.
La question de l'arme nucléaire nord-coréenne
Ce qui est paradoxal, c'est que le Nord n'a cessé de faire des tentatives d'infiltration de ses agents dans la partie méridionale de la péninsule tandis qu'il négociait avec le groupe Hyundai sur le plan économique, et malgré une certaine bonne volonté du gouvernement de Kim Dae-jung dans le cadre de sa « politique du soleil » vis-à-vis du Nord. Pyongyang n'a jamais abandonné son objectif nucléaire, alors même que les habitants souffrent d'une grave pénurie alimentaire. Tout cela constitue autant d'éléments d'instabilité qui pèsent sur la péninsule coréenne et qui laissent supposer que la réunification n'est pas pour demain.
Concernant les armes nucléaires, le Nord était soupçonné d'abriter, dès 1985, à Yŏngbyŏn, à 90 kilomètres au nord de Pyongyang, des installations destinées à fabriquer la bombe atomique. En dépit de cela, Pyongyang adhère au Traité de non-prolifération nucléaire (T.N.P.) le 12 décembre 1985. Cette affaire, connue depuis 1987, rebondit en 1991. Afin de dénucléariser la péninsule, le Sud accepta le retrait des armes nucléaires américaines, lequel s'est discrètement achevé le 18 décembre 1991. Le 31, les deux parties parvinrent à un accord de dénucléarisation. En outre, le Nord signa, en janvier 1992, un accord sur l'inspection de ses installations par l'Agence internationale de l'énergie atomique (A.I.E.A.).
Le 12 mars 1993, Pyongyang annonça son intention de quitter le T.N.P. En avril, le président sud-coréen Kim Young-sam proposa des pourparlers quadripartites (États-Unis, deux Corées et Chine) en vue de conclure un traité de paix qui remplacerait l'armistice de 1953. Le 13 juin 1994, Pyongyang présenta à l'A.I.E.A. la déclaration de son retrait du T.N.P. Quelques réunions eurent lieu ensuite entre les représentants des quatre pays. Pendant ce temps, on découvrait, le 18 septembre 1996, l'infiltration de commandos nord-coréens dans la province du Kangwŏn, à une centaine de kilomètres au sud de la ligne de démarcation, s'échappant d'un sous-marin échoué. En juin 1998, un autre sous-marin nord-coréen s'est fait prendre dans les filets d'un pêcheur sud-coréen, avec à son bord neuf hommes qui s'étaient donné la mort ; un autre submersible (avec un corps à l'intérieur) a été découvert au sud de la péninsule en décembre 1998.
Quant à la question du programme nucléaire nord-coréen, Washington et Pyongyang sont parvenus après de multiples péripéties, le 21 octobre 1994, à Genève, à un accord qui prévoyait le gel du programme en échange de la fourniture de deux centrales nucléaires civiles et de pétrole. À cet effet, il a été créé, en mars 1995, la K.E.D.O. (Korean Peninsular Energy Development Organisation), organisme chargé d'exécuter l'accord de 1994. Séoul allait financer 70 % de ce programme. La K.E.D.O. a inauguré le début des travaux de construction d'une centrale nucléaire civile à Kŏmho dans la province du Hamgyŏng du Sud en Corée du Nord, le 19 août 1997, en présence des délégations des pays concernés (Corée du Sud, États-Unis et Japon). Le maître d'œuvre de la construction était Korea Electric Power Co. Mais, pour autant, Pyongyang n'a pas renoncé à perfectionner ses systèmes d'armement. Le 31 août 1998, la Corée du Nord a réussi à lancer un missile balistique à trois étages d'une portée de 1 500 kilomètres, à la surprise générale. Il a survolé le territoire japonais près de Hokkaido avant de s'abîmer dans le Pacifique.
Le 7 septembre 1999, le président américain Bill Clinton a décidé d'assouplir les sanctions économiques contre Pyongyang, une première depuis la fin de la guerre de Corée. Mais l'arrivée au pouvoir de George Bush a marqué un tournant. Le régime de Pyongyang a très mal pris sa déclaration du 29 janvier 2002, plaçant la Corée du Nord dans l'axe du Mal avec l'Irak et l'Iran. Pyongyang a rompu les négociations à six (Chine, deux Corées, États-Unis, Japon et Russie), à peine entamées, pour régler la question nucléaire.
Le 16 octobre 2002, après la visite de l'émissaire du président Bush à Pyongyang, Washington a affirmé que le régime conduisait un programme secret d'enrichissement, cette fois avec du plutonium. Cette allégation a été admise par Pyongyang. Le régime a été soupçonné aussi de fournir des armes à certains pays du Moyen-Orient.
Le 14 novembre 2002, la K.E.D.O. a annoncé l'arrêt des livraisons de pétrole, puis a suspendu la construction des deux centrales nucléaires à eau légère (difficiles à détourner à des fins militaires). Pyongyang a expulsé les inspecteurs de l'A.I.E.A. en décembre 2002 et, le 10 janvier 2003, s'est retiré effectivement du T.N.P. et a affirmé commencer l'extraction de l'uranium de huit mille barres de combustible nucléaire. Le 13 mai, Pyongyang a annulé l'accord, signé en décembre 1991 avec Séoul, destiné à exclure les armes nucléaires dans la péninsule.
La première conférence à six pays a eu lieu à Pékin en août 2003 afin de trouver une solution pour le programme nucléaire nord-coréen. Après quatre autres séries de rencontres en 2004 et 2005, la conférence à six s'est trouvée dans l'impasse.
Le 10 février 2005 déjà, Pyongyang a déclaré officiellement s'être dotée de la bombe atomique. Le 1er mai, Pyongyang a lancé des missiles en mer du Japon (mer de l'Est). Le 11 mai 2005, le régime a annoncé l'achèvement de l'extraction de huit mille barres d'uranium du réacteur nucléaire de Yongbyon. En mai 2006, le directeur de l'A.I.E.A. a déclaré que Pyongyang posséderait six bombes nucléaires.
Les États-Unis, le Japon et l'Australie ont appliqué des sanctions en représailles des tirs de sept missiles nord-coréens qui se sont abîmés en mer du Japon le 5 juillet 2006. Peu après, le Conseil de sécurité de l'O.N.U. a adopté une résolution condamnant ces tirs. Le 18 août, la télévision américaine a annoncé la préparation d'un essai nucléaire par la Corée du Nord.
Le 9 octobre 2006 à 9 h 35 (heure locale), la Corée du Nord a procédé à un essai nucléaire souterrain dans la province du Hamgyong du Nord, d'une capacité inférieure à 1 kilotonne (15 kt pour Hiroshima). La Corée du Nord est devenue ainsi la 9e puissance nucléaire du monde. Le caractère nucléaire de l'essai a été confirmé par les échantillons collectés dans l'air près du site par un avion de surveillance américain WC-135. Pyongyang avait prévenu Pékin, son allié, vingt minutes avant l'essai. Pékin avait transmis l'information à Washington, à Séoul et à Tōkyō.
Cet essai nucléaire a stupéfait le monde entier et provoqué un tollé général. Tōkyō, qui avait instauré des sanctions financières à l'égard de Pyongyang depuis juillet, a réagi vivement en adoptant un embargo total sur tous les échanges commerciaux avec la Corée du Nord.
Le 14 octobre 2006, le Conseil de sécurité de l'O.N.U. a adopté, à l'unanimité, des sanctions économiques et commerciales à l'égard de Pyongyang, en se référant aux dispositifs de l'article 7 de la Charte des Nations unies. Elles ont été approuvées par l'Assemblée générale par la résolution 1718. Celle-ci prévoit un embargo sur les armes et matériels connexes, les matériels liés à la technologie nucléaire ou à celle des missiles, ainsi que sur les produits de luxe. Elle appelle tous les États à coopérer pour assurer le respect de ces embargos, y compris par l'inspection de toute cargaison à destination ou en provenance de la Corée du Nord. Cet embargo est notamment destiné à empêcher le transfert technologique de la Corée du Nord vers d'autres pays désireux de posséder l'arme nucléaire. Il risque toutefois de rendre encore plus pénible la vie de la population nord-coréenne qui souffre déjà gravement de carence alimentaire voire de famine. Pour la communauté internationale, le risque majeur est celui de la prolifération nucléaire. En février 2012, la signature entre Pyongyang et Washington d’un moratoire sur la suspension des activités d'enrichissement d'uranium en échange de la livraison d'aide alimentaire par les États-Unis doit permettre la reprise des négociations à six –_les deux Corées, les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon_– sur le programme nucléaire nord-coréen, qui sont gelées depuis 2009. Pyongyang procède cependant à un essai nucléaire souterrain en février 2013.
Chronologie contemporaine
Pour l’histoire récente du pays, voir aussi CORÉE DU NORD, chronologie contemporaine
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