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IMMUNITÉ, biologie

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Écrit par

  • Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
  • Michel FOUGEREAU : professeur à la faculté des sciences de Luminy, université d'Aix-Marseille-II
  • Dominique KAISERLIAN-NICOLAS : docteur ès sciences, chargée de recherche à l'I.N.S.E.R.M. (U 80)
  • Jean-Pierre REVILLARD : professeur d'immunologie à l'université de Lyon-I-Claude-Bernard

Le système immunitaire assume l'une des grandes fonctions physiologiques des Vertébrés : l'aptitude à la reconnaissance d'un nombre prodigieux de structures moléculaires distinctes, les antigènes. Un antigène est classiquement réputé « étranger » à l'organisme chez lequel il provoque une réponse immunitaire. D'où la conception selon laquelle le système immunitaire a pour fonction essentielle la distinction du « soi » (les divers constituants de son propre organisme) et du « non-soi ».

Évidentes lorsqu'il s'agit de l'agression de l'organisme humain par une bactérie, les frontières entre soi et non-soi le deviennent moins lorsqu'on évoque les maladies auto-immunes, au cours desquelles le patient s'immunise contre ses propres tissus.

Système immunitaire - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Système immunitaire

Classiquement, lorsqu'un antigène pénètre dans l'organisme, il va stimuler le système immunitaire, qui va répondre de diverses façons, simultanément ou non. La réponse humorale est caractérisée par la production d' anticorps spécifiques, constitués par des immunoglobulines mises en circulation dans les « humeurs » (ce vocable assez désuet reste utilisé, avec une connotation plutôt historique). Ces anticorps sont produits par les lymphocytes B et par des cellules qui en dérivent : les plasmocytes. L'antigène peut aussi stimuler des lymphocytes T, entraînant diverses réponses dites « à médiation cellulaire ». Le rejet des greffes, la réaction à la tuberculine chez un individu sensibilisé par un contact avec le bacille tuberculeux ou vacciné par le B.C.G. constituent des exemples de ces réponses dans lesquelles on ne retrouve pas d'anticorps circulants. Les structures impliquées dans la reconnaissance de l'antigène sont ici des récepteurs des cellules T, molécules transmembranaires, solidement ancrées à la surface des lymphocytes T.

Le système immunitaire comporte en outre d'autres cellules, comme les macrophages, et d'autres molécules, comme le système du complément, qui interviennent dans son fonctionnement, sans toutefois posséder directement le critère de spécificité attaché à la fonction de reconnaissance, lequel reste l'apanage des immunoglobulines et des lymphocytes.

Immunité non spécifique et immunité spécifique constituent deux mécanismes immunitaires apparus successivement au cours de l'évolution des espèces et étroitement intriqués dans les organismes les plus évolués. Ils permettent à un organisme de conserver son individualité et de protéger ses constituants en éliminant ou en neutralisant les substances étrangères et les agents infectieux auxquels il est exposé. L'un et l'autre impliquent au niveau moléculaire une possibilité de discrimination entre les constituants de l'organisme, autrement dit le soi, et les autres molécules, c'est-à-dire le non-soi.

En définitive, qu'elle soit spécifique ou non spécifique, l'immunité fait intervenir des cellules (immunité à médiation cellulaire) et des molécules en solution dans les liquides biologiques (immunité humorale). C'est cet ensemble qui constitue le système immunitaire. Son organisation générale ressemble à la fois à celle du système endocrinien et à celle du système nerveux central : traitement d'un vaste ensemble d'informations, forte intégration et régulation par des médiateurs ou molécules messages, effets de potentialisation et effets d’inhibition déterminant des processus de régulation. Du reste, système immunitaire et système neuro-endocrinien interagissent étroitement entre eux.

Les mécanismes de l'immunité

Reconnaissance du soi

Les processus de reconnaissance et de signalisation biochimique dans l’ensemble du monde vivant reposent sur des interactions entre molécules : liaison d'un disaccharide ou d'un oligosaccharide à une protéine (lectine), d'un neurotransmetteur ou d'une toxine à son récepteur, réaction enzyme-substrat ou interaction entre deux protéines (liaison hormone-récepteur, réaction antigène-anticorps). Ces interactions sont réversibles et caractérisées par des constantes d'association et de dissociation mesurables, permettant de calculer l'affinité intrinsèque des molécules interactives. Ce type de système a reçu le nom de système ligand-récepteur.

Les méthodes physiques modernes (cristallographie et diffraction de rayons X, spectroscopie RMN, etc.) et la détermination par les techniques biochimiques des structures primaires des protéines permettent d'identifier les zones de contact entre ligand et récepteur. La nature des forces mises en jeu (liaisons ioniques, forces de Van der Vaals, liaisons hydrogènes, liaisons hydrophobes) dépend des structures moléculaires interactives et de la distance qui les sépare. Ainsi peut-on connaître le site actif d'une hormone, c'est-à-dire la zone de la molécule qui entre en contact avec une zone homologue, spécifique, au sein de la molécule du récepteur hormonal. La même démarche permet de définir les sites d'une molécule d'enveloppe d'un virus qui interagissent avec le récepteur au virus et permettent l'infection de la cellule cible de ce virus (ex. : molécule gp120 du virus VIH et molécule CD4 de la surface de certains lymphocytest T), ou bien les sites des adhésines des pili des bactéries, sites qui déterminent la virulence de ces microbes en permettant leur adhésion aux récepteurs oligosaccharidiques des cellules épithéliales des muqueuses.

Les cellules du système immunitaire produisent deux grandes familles de molécules hautement diversifiées, spécialisées dans la reconnaissance du soi et du non-soi. Il s'agit des récepteurs des lymphocytes T et des récepteurs des lymphocytes B ou molécules d'immunoglobulines. Tandis que les secondes existent au niveau membranaire et sous forme soluble, d’où interaction à distance avec les molécules adverses, les premières sont fixées de façon stable sur la membrane des cellules T au contact desquelles ont lieu les effets antagonistes.

Au sein de chacune de ces molécules de reconnaissance, on appelle paratope la zone qui va interagir de façon stéréospécifique avec la structure complémentaire appelée épitope sur la molécule adverse qu’est la molécule d'antigène. L'épitope occupe un espace de 6 à 15 aminoacides à la surface d'une protéine ou de 5 ou 6 oses pour un polysaccharide. Les plus petites molécules d' haptènes (médicaments, sels de métaux lourds, oligonucléotides, dinitrochlorobenzène, etc.) liées à une protéine porteuse forment un seul épitope. Toutes les molécules antigéniques plus complexes constituent une mosaïque d'épitopes. Les uns sont séquentiels, définis par la structure primaire de l'antigène, les autres sont dits conformationnels.

Certaines molécules protéiques ou oligosaccharidiques font l'objet d'un polymorphisme au sein des individus d'une même espèce. Ce polymorphisme est défini par des gènes alléliques, c'est-à-dire des formes alternatives, mutuellement exclusives, engendrées par des mutations germinales portant sur quelques codons du gène original. Ces formes moléculaires, propres à certains groupes d'individus au sein de l'espèce, définissent les allotypes, marqueurs antigéniques déterminés génétiquement et transmis sur le mode dominant. L'immunisation entre deux sujets différents au sein de la même espèce, c'est-à-dire l'allo-immunisation, induit une réponse immunitaire dirigée contre ces antigènes allotypiques ou alloantigènes.

Ainsi, dans le cas de la molécule d'histocompatibilité HLA-A1, variante de la molécule HLA-A, particulière aux sujets dits « A1 positifs », son introduction chez les sujets humains HLA-A1 négatifs déterminera en eux la production d' alloanticorps anti-HLA-A1, alors qu'elle sera acceptée sans réaction par les sujets HLA-A1 positifs. En revanche, une autre espèce animale aurait reconnu, sur cette même molécule, d'abord des épitopes des molécules HLA communs à toute l'espèce humaine et aurait réagi par la production de xéno-anticorps (hostile à lorganisme étranger).

Les molécules d'histocompatibilité sont des molécules très polymorphiques, qui diffèrent d'un individu à l'autre et définissent des variants allotypiques jouant un rôle majeur dans le rejet des allogreffes. Identifiées à l'aide d'alloanticorps présents dans le sérum des receveurs d'allogreffes, de sujets ayant eu des transfusions sanguines ou de femmes ayant eu plusieurs grossesses, ces molécules apparaissent comme des marqueurs antigénétiques d'histocompatibilité. Leur fonction biologique est de permettre aux lymphocytes T de communiquer avec les autres cellules de l'organisme pour en contrôler l'identité, exerçant donc une fonction de reconnaissance. Ces molécules sont codées par un ensemble de gènes multialléliques appelé complexe majeur d'histocompatibilité ou CMH. Le CMH humain, appelé système HLA, découvert par Jean Dausset (Prix Nobel 1980) est localisé sur le bras court du chromosome 6. La fonction des molécules du CMH concerne la présentation de fragments d'antigènes aux récepteurs des cellules T. On distingue deux populations principales de cellules T : les unes (CD4+) interagissent avec les antigènes HLA de classe II, les autres (CD8+) avec les antigènes HLA de classe I.

Interconnexion des mécanismes de défense spécifiques et non spécifiques

Comme on vient de le voir, l'immunité spécifique est restreinte à un épitope ou à un groupe d'épitopes d'un antigène. Ce concept de spécificité est illustré par le fait qu'un sujet vacciné avec l'anatoxine tétanique sera protégé contre le tétanos mais pas contre d'autres maladies infectieuses, ce qui implique que son système immunitaire a produit des molécules (anticorps et récepteurs de cellules T) capables de se lier exclusivement à la toxine tétanique ou à des oligopeptides, fragments de cette molécule. Cette immunité spécifique est caractérisée en premier lieu par le phénomène de mémoire immunologique et en second lieu par sa plasticité, c'est-à-dire sa capacité de produire des molécules complémentaires (anticorps et récepteurs des cellules T) vis-à-vis de tout antigène présenté au système immunitaire, y compris des molécules de synthèse qui n'ont jamais existé dans la nature avant leur création par les chimistes.

L'immunité non spécifique, apparue la première au cours de l'évolution des espèces, utilise des mécanismes cellulaires et moléculaires dont l'importance est essentielle pour la survie de l'organisme. En effet, elle est mise en jeu immédiatement après la pénétration d'une substance étrangère ou d'un agent infectieux : elle est à l'origine des premiers signes cliniques d'une infection localisée (fièvre, réaction inflammatoire) et limite la diffusion de l'infection bien avant qu'un diagnostic médical et un traitement puissent être mis en œuvre.

Les mécanismes de l'immunité non spécifique reposent sur des systèmes d'interactions moléculaires en cascade et de signalisation cellulaire où interviennent des médiateurs ou molécules messages, telles que les cytokines. Celles-ci sont synthétisées par une cellule en réponse à un signal activateur et libérées dans le milieu extracellulaire. Elles vont se lier à un récepteur spécifique situé sur la cellule productrice (mode autocrine), sur les cellules voisines (mode paracrine) ou sur les cellules lointaines à distance (mode endocrine). La liaison au récepteur induit un signal chimiotactique (déclencheur de mouvements cellulaires), ou un effet mitogénique (c’est-à-dire incitateur à la division de la cellule réceptrice) ou bien activateur de certains gènes (production de molécules réactives). Les cytokines produites par des monocytes-macrophages sont des monokines ; celles qui sont produites par les cellules T activées, des lymphokines. Les molécules messages entre différentes populations de leucocytes sont des interleukines. En fait, ces molécules définissent un ensemble aux limites floues car la plupart peuvent être produites par différents types cellulaires et exercent des effets pléiotropiques sur de multiples cellules cibles. D’où la présentation qui suit, forcément assez difficile à ordonner.

Complément et protéines de la phase aiguë

L'immunité humorale non spécifique repose essentiellement sur le système du complément formé d'une vingtaine de protéines plasmatiques susceptibles d'être activées par protéolyse en cascade au contact de membranes. Certaines de ces protéines sont polymorphiques, et il existe des phénotypes déficitaires avec absence de synthèse de la molécule ou production d'une molécule anormale non fonctionnelle (ex. : déficit en C1INH ou œdème angioneurotique, déficit en C2 ou C4, etc.). Ces protéines sont synthétisées essentiellement chez l'homme par le foie, accessoirement par les monocytes et macrophages.

L' activation du complément s'effectue selon la voie dite « alterne » par des polysaccharides (parois bactériennes, membranes artificielles bio-incompatibles). Elle conduit à la formation d'un complexe lytique (C5b,6789) qui perfore les membranes cellulaires – cytolyse – et à la libération de fragments actifs qui potentialisent l'immunité cellulaire (C3bi ; C3d,g) ou qui induisent une réaction inflammatoire (anaphylatoxines C3a et C5a) en augmentant la perméabilité capillaire et en se liant aux récepteurs de certaines cellules (ex. : mastocytes) pour provoquer la libération de médiateurs chimiotactiques ou inflammatoires [cf. inflammation].

Les protéines de la phase aiguë sont synthétisées par le foie et les monocytes-macrophages lors d'une infection ou d'une réaction inflammatoire, sous l'influence de signaux chimiques (ex. : interleukines 1 ou 6) produits par l'activation de différentes cellules par des bactéries ou diverses substances. Elles comprennent des inhibiteurs de protéases (ex. : α1-antitrypsine, inter-α-trypsine inhibiteur, etc.) et la protéine C-réactive (CRP) qui se fixe sur les groupements phosphorylcholine de nombreuses bactéries et levures, entraînant l'activation du complément, à leur encontre.

Phagocytose et bactéricidie

Les cellules phagocytaires sont représentées par les polynucléaires neutrophiles et les cellules du système réticulo-histiocytaire ( macrophages pulmonaires, spléniques, hépatiques – cellules de Küpffer –, monocytes sanguins, cellules mésangiales du rein, cellules microgliales du cerveau, macrophages résidents des ganglions lymphatiques).

La destruction d'une bactérie par phagocytose fait intervenir la migration active et orientée – chimiotactisme – du phagocyte vers le foyer bactérien, sous l'influence de facteurs chimiotactiques (C3a, C5a) que libère l'activation du complément par la paroi des bactéries ou des levures (ex. : Candida albicans). L'adhésion de la bactérie est fortement augmentée par la liaison du facteur C3b du complément (opsonisation de la bactérie) aux récepteurs CR1 et CR3 de la membrane du phagocyte. L'englobement de la particule se fait par invagination de la membrane plasmique et formation d'une cavité (phagosome) dans le cytoplasme de la cellule défensive. Cette cavité fusionne avec celles de lysosomes pour former un phagolysosome. À ce niveau interviennent des protéines cationiques toxiques pour la bactérie, puis les enzymes lysosomiales libérées par le processus de « dégranulation séquentielle » qui intervient dans le leucocyte. La lactoferrine capte le fer et en prive ainsi les bactéries. Parallèlement, dans le phagosome, l'oxygène est réduit en anion superoxyde (O2) avec production d'anion hydroxyl (OH) de singulet d'oxygène (1O2) et de peroxyde d'hydrogène (H2O2). Ces substances – radicaux libres – créent des altérations des protéines des lipides et des acides nucléiques. Les peroxydases des lysosomes, en présence d'halogénures (iodures), génèrent d'autres oxydants toxiques (cf. lysosomes, phagocytose, radicaux libres).

La phagocytose est habituellement accompagnée d'une bactéricidie accomplie par les leucocytes polynucléaires. Dans les macrophages, en revanche, de nombreux parasites intracellulaires (bactéries, protozoaires) peuvent se multiplier et leur destruction nécessite une activation des macrophages par des lymphokines libérées par les cellules T activées, ce qui souligne la complexité des coopérations au sein du système.

Interleukines

Depuis l'isolement du gène de l'IFNγ en 1982, plus d'une trentaine de lymphokines humaines ont été clonées et produites par la technique de l'ADN recombinant. Il s'agit, pour la plupart, de polypeptides de 100 à 200 acides aminés, sans aucune homologie entre elles. Beaucoup sont glycosylées. Pour certaines, on a pu isoler et cloner leur récepteur, ce qui a conduit à analyser les relations structure-fonction de chaque interleukine en vue de préparer des médicaments agonistes ou antagonistes. La complexité des recherches actuelles sur les interleukines est illustrée par l'exemple de l'interleukine-1 (IL-1).

L'IL-1 comprend plusieurs molécules (proIL-130 kDa ; IL-1 membranaire 23 kDa ; IL-1 secrétée 17,5 kDa) codées par deux gènes α et β. Produites par de multiples types cellulaires (monocytes, endothélium, fibroblastes, etc.) après stimulation par des bactéries (lipopolysaccharides de bactéries gram-) ou par d'autres lymphokines (IL-2, Tumor Necrosis Factor), elle exerce des actions immunologiques (stimulation des cellules T et B), physiologiques (fièvre, sommeil, choc, excrétion de Na), hématologiques (stimulation de l'hématopoïèse) et métaboliques (stimulation de l'ACTH et des glucocorticoïdes, inhibition de synthèse d'insuline, induction de synthèse des protéines de la phase aiguë par le foie, etc.). Des peptides de dégradation de l'IL-1 (de 1,3 à 7 kDa) isolés de l'urine conservent ces propriétés biologiques. Une protéine de liaison de 20-25 kDa, l'uromoduline, isolée de l'urine de femme enceinte ou de plasma de sujets fébriles, inhibe l'action de l'IL-1.

L'interleukine-2 (IL-2) glycoprotéine, produite par les cellules T activées, agit en se liant à un récepteur composite formé d'une chaîne α (p75), exprimée de façon constitutive par les cellules T et B, et d'une chaîne β (p55), apparaissant après activation. Cette liaison initie la synthèse d'ADN par les cellules T, B et NK et prépare ainsi leur prolifération.

Interférons

En pénétrant dans une cellule, un virus peut entraîner une infection abortive, cytopathique, persistante, latente ou transformante. La réplication virale est inhibée par l'action des interférons (IFN) de type I α produits par les leucocytes (environ quinze espèces moléculaires) et β produits par les cellules épithéliales et les fibroblastes. Ces interférons sont des cytokines qui se lient à un même récepteur et activent différents gènes dont celui de l'enzyme 2-5 oligosynthétase. Ils inhibent la réplication virale et parfois la synthèse d'ADN (avec induction de la différenciation cellulaire) et augmentent l'expression des antigènes HLA de classe I. L'interféron γ (IFNγ), lymphokine produite par des lymphocytes T activés (dans le cadre de l'immunité spécifique), exerce un effet antiviral et d'autres actions biologiques ; il induit l'expression de molécules HLA de classes I et II. Son récepteur est différent de celui des IFNα et β.

Cytotoxicité

Un des moyens utilisés par l'organisme pour limiter l'extension d'une infection virale consiste à détruire les cellules infectées. La lyse de cellules cibles transformées par un virus, comme celle de cellules immatures, embryonnaires ou cancéreuses, est assurée de façon non spécifique par des « cellules tueuses » naturelles (NK, natural killer) qui sont des petits lymphocytes ou des grands lymphocytes à granulations intracytoplasmiques. La maturation (et/ou la prolifération) des cellules NK est stimulée par des interférons IFNα et β. L' interleukine-2 (IL-2) induit l'activation et la prolifération de cellules tueuses LAK (lymphokine activated killers). Cette propriété a été utilisée dans l'immunothérapie de certains cancers : les leucocytes du malade sont stimulés in vitro par l'IL-2 avant d'être réinjectés.

La destruction par des mécanismes spécifiques, dirigés contre des néo-antigènes viraux présents à la membrane des cellules infectées, est assurée par des anticorps activant des cellules tueuses (cytotoxicité cellulaire dépendante d'anticorps : ADCC). La lyse de cellules infectées peut être assurée par un mécanisme d'immunité cellulaire spécifique utilisant des cellules T cytotoxiques, en général de type CD8+, qui reconnaissent, sur les membranes des cellules cibles, des peptides du virus associés aux antigènes HLA de classe I.

Toutes les cellules tueuses établissent un contact avec leur cible par des molécules d'adhésion, telles que LFA-1. Les anomalies de ces molécules entraînent des déficits immunitaires sévères.

La destruction de parasites métazoaires est un mécanisme spécifique qui fait intervenir des anticorps spéciaux, appartenant au groupe IgE et des macrophages ou des polynucléaires éosinophiles agissant comme cellules tueuses.

— Jean-Pierre REVILLARD

Immunoglobulines

Nous venons de voir que le système immunitaire produit des molécules capables d'identifier « soi » et « non-soi » : ce sont les anticorps ou immunoglobulines, Ig en abrégé. Ils peuvent être soit libres dans l'organisme et véhiculées par le courant circulatoire, soit attachées aux lymphocytes (de type B) qui les produisent.

La spécificité de la reconnaissance, posée en termes rigides (à chaque antigène son anticorps), conduit à une difficulté majeure : pour reconnaître spécifiquement tous les antigènes potentiels, cela implique que le système immunitaire puisse produire un nombre astronomique d'anticorps différents. Or les 1020 molécules d'immunoglobulines ne sont pas toutes différentes, et on estime qu'elles se regroupent en moins de 108 espèces moléculaires d'anticorps de spécificités distinctes. Le nombre potentiel d'antigènes étant considérablement plus élevé et chaque antigène renfermant, de plus, une mosaïque de déterminants antigéniques, on est amené à penser qu'une même molécule d'anticorps peut reconnaître plusieurs structures antigéniques différentes, mais présentant entre elles une certaine parenté conformationnelle. Cela revient à dire que le système de reconnaissance immunitaire est partiellement dégénéré.

Néanmoins, les 108 espèces moléculaires différentes d'anticorps sont produites par autant de catégories de lymphocytes B distincts. Il a été postulé, au cours des années 1950, par Burnet et Jerne que les lymphocytes étaient groupés en clones, un clone étant un ensemble de cellules identiques, descendantes d'une même cellule initiale et exprimant les mêmes potentialités génétiques. Chaque clone synthétisant une espèce d'immunoglobuline, et une seule, est sélectivement stimulé par l'antigène que reconnaît l'immunoglobuline qu'il exprime. Cette conception, largement vérifiée depuis lors par les faits, est connue sous le nom de théorie clonale.

La difficulté suivante rencontrée par le problème du répertoire est d'ordre génétique. Les immunoglobulines étant des protéines, elles sont nécessairement « codées » dans l'ADN des chromosomes. On voit immédiatement que les 108 molécules d'immunoglobulines différentes ne peuvent être codées chacune par un gène distinct, puisqu'on estime que le nombre total des gènes de structure chez l'homme est de l'ordre d'une trentaine de mille. C'est donc un mécanisme génétique particulier qui doit expliquer l'origine de la diversité des anticorps.

Enfin, outre les fonctions de reconnaissance, les immunoglobulines peuvent exprimer d'autres fonctions, dites effectrices (cf. infra, Immunocytes). Le nombre, extrêmement restreint, des fonctions (par exemple, la fixation du complément, la bactériolyse, etc.) contraste avec le nombre, très grand, des structures de reconnaissance. Cela implique que cette dualité opérationnelle (reconnaissance et fonctions effectrices) doit être sous-tendue par une dualité structurale des molécules d'immunoglobulines, elle-même dictée par une organisation particulière des gènes qui les codent pour l'ensemble du système selon le schéma : 1 gène → 1protéine → 1 fonction.

Rappelons que les protéines sont composées d'une ou de plusieurs chaînes polypeptidiques, chacune constituée par un enchaînement, ou séquence univoque d'acides aminés, définissant la structure primaire. L'organisation dans l'espace de cette ou de ces chaînes constitue la structure tridimensionnelle, forme sous laquelle s'exercent les fonctions des protéines. Les immunoglobulines, dont on connaît depuis longtemps la nature protéique, sont caractérisées par leur extrême hétérogénéité, ce qui rend leur analyse très difficile.

En règle, un antigène stimule toujours un nombre relativement élevé de clones. Pour disposer de solutions homogènes d'immunoglobulines, qui seules conviennent pour analyser la structure primaire de ces molécules, force est donc d'obtenir des molécules provenant d'un seul clone. Cette situation est réalisée lorsqu'un clone lymphocytaire B est « cancérisé ». Il prolifère alors sélectivement, devient prépondérant, et déverse dans le sang de grandes quantités d'une immunoglobuline monoclonale. Ce type de maladie, le myélome multiple, existe chez l'homme. Les protéines monoclonales sont isolées du sérum de ces malades à l'occasion d'un acte thérapeutique qui consiste à remplacer le plasma des patients par celui d'un individu sain ( plasmaphérèse). Chez la souris, le myélome peut être induit expérimentalement, et transplanté indéfiniment à des individus d'une même souche pure. Ce matériel permet d'obtenir, outre les immunoglobulines, des cellules tumorales à partir desquelles on peut extraire les ADN et les ARN qui gèrent la biosynthèse de ces protéines.

Le plus souvent, les protéines de myélome n'ont pas de spécificité de reconnaissance connue. Cette difficulté a été tournée avec la découverte des hybridomes par Köhler et Milstein, en 1975. Le principe consiste à fusionner in vitro des lymphocytes B d'une souris, stimulée par un antigène X, avec une lignée de myélome murin adaptée à des conditions particulières de culture. Chaque lymphocyte (incapable de se multiplier in vitro) va fusionner avec une cellule de myélome (à prolifération très active) en un hybridome qui réunit les potentialités du lymphocyte à synthétiser l'anticorps anti-X et l'aptitude à se multiplier en culture de la cellule de myélome. Une sélection appropriée permet d'obtenir des hybridomes qui synthétisent des anticorps anti-X monoclonaux. Cette méthodologie, qui révolutionne les techniques de production des anticorps, a ouvert la voie à l'analyse d'anticorps homogènes de spécificité connue, et rendu possible l'analyse de l'organisation et de l'expression des gènes des immunoglobulines.

Structure des IgG

Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire

L'organisation de base des immunoglobulines IgG, les plus représentées dans le sérum (70 p. 100 des anticorps), a été définie entre 1958 et 1961 par les travaux de Porter en Grande-Bretagne et d'Edelman aux États-Unis, ce qui leur valut le prix Nobel en 1972. Il s'agit d'une molécule d'un poids moléculaire de 150 000 daltons, constituée en deux chaînes lourdes identiques, désignées par H (pour heavy, poids moléculaire 52 000), et deux chaînes légères identiques, ou L (pour light, poids moléculaire 23 000), réunies par des ponts disulfures (fig. 1). La molécule possède un axe de symétrie et porte deux sites de combinaisons identiques pour l'antigène. Par ailleurs, la molécule d'IgG peut être clivée par une enzyme, la papaïne, qui libère trois fragments de taille équivalente. Deux de ces fragments contiennent chacun une chaîne L et la première moitié d'une chaîne H. Chacun de ces deux fragments identiques comporte l'un des sites de combinaison pour l'antigène, d'où leur nom de « fragments Fab » (pour antigen binding). Le troisième fragment, constitué des deux moitiés terminales des chaînes H, est cristallisable, et appelé « Fc ». Il est dépourvu de site de combinaison pour l'antigène, mais fixe le complément. On voit donc déjà que la dualité fonctionnelle est bien sous-tendue par une dualité structurale de la molécule d'anticorps.

En 1965, Hilschmann et Craig ont montré que deux chaînes légères provenant de myélomes humains étaient constituées de 214 acides aminés. Les 107 premiers résidus (extrémité dite « NH2-terminale ») étaient profondément différents entre les deux chaînes, tandis que les 107 suivantes (« extrémité COOH-terminale ») étaient rigoureusement identiques, ce qui permettait la description d'une région variable, ou V, et d'une région constante, ou C. Il fut bientôt montré que les chaînes H possédaient également une région V, couvrant les 110 à 120 premiers acides aminés, et une région constante, composée des 330 derniers. L'accumulation des analyses ne tarda pas à montrer que le nombre de régions variables était très grand, aussi bien pour les chaînes lourdes (VH) que pour les chaînes légères (VL). On montra par ailleurs que les deux chaînes H et L participaient à la reconnaissance de l'antigène, et que toute chaîne H pouvait s'associer à toute chaîne L. Il s'ensuit que les combinaisons de 104 chaînes H avec 104 chaînes L permettent d'obtenir, à partir d'un maximum de 20 000 gènes, 108 molécules d'anticorps différentes, et que le système immunitaire a ainsi trouvé un moyen très élégant d'économiser l'information génétique.

Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle

Un examen plus attentif des séquences d'acides aminés révèle l'existence d'homologies entre les divers segments polypeptidiques d'environ 110 résidus constituant les chaînes L (VL et CL) et H (VH, CH1, CH2 et CH3). Chacun de ces segments possède, au sein de l'IgG, une structure tridimensionnelle globulaire autonome, identifiée par analyse cristallographique aux rayons X. Ces structures constituent des domaines, d'abord postulés par Edelman en 1969. L'ensemble VH-VL contient le site de combinaison pour l'antigène, tandis que les domaines constants, en particulier ceux des chaînes H, exercent l'une ou l'autre des fonctions effectrices. Ainsi CH2 fixe-t-il le complément, et CH3 interagit avec certains récepteurs cellulaires. Une représentation schématique de l'organisation tridimensionnelle de la molécule d'IgG est donnée sur la figure 2.

Classes

En dehors des IgG, majoritaires, il existe d'autres classes d'immunoglobulines, toutes construites sur le modèle H2L2. Elles contiennent les mêmes chaînes légères, qui sont de deux types : κ et λ, qui diffèrent dans leur structure primaire. L'individualité des classes tient à la nature de leurs chaînes lourdes. On en connaît cinq types chez l'homme : γ, μ, α, δ et ε, auxquelles correspondent les cinq classes IgG, IgM, IgA, IgD et IgE.

Les IgG sont les anticorps protecteurs classiques, et se subdivisent en quatre sous-classes différenciées par quatre chaînes H légèrement distinctes : γ1, γ2, γ3 et γ4. Les IgM sont de grosses molécules pentamériques de type (μ2κ2)5 ou (μ2λ2)5, stabilisées par une chaîne supplémentaire appelée « J ».

Les IgA se trouvent dans diverses sécrétions – en particulier dans le colostrum –, où elles existent à l'état de dimères ou de trimères (fig. 7).

Les IgD sont des molécules membranaires, qui restent fixées aux lymphocytes B.

Enfin, les IgE, de type ε2κ2 ou ε2λ2 sont le support de l'hypersensibilité immédiate (cf. allergie et hypersensibilité).

Immunogénétique

Les apports récents du génie génétique ont permis une avance foudroyante dans l'analyse de l'organisation des gènes d'immunoglobulines, qui sont groupés dans trois ensembles distincts : κ, λ et H, portés par trois chromosomes différents. En 1978, Tonegawa montra que trois gènes distincts étaient nécessaires au codage d'une chaîne λ murine donnée : un gène Vλ, couvrant l'essentiel de la région variable (jusqu'au résidu 95), un gène Jλ (résidus 96-108) et un gène Cλ, correspondant à la région constante. Ces trois gènes sont largement séparés sur l'ADN germinal (donc transmissible à la descendance par les gamètes). Dans les lymphocytes B différenciés, donc prêts à synthétiser une immunoglobuline, l'ADN est réarrangé, de telle sorte que V et J deviennent contigus, mais restent encore séparés de C. Ce n'est que dans l'ARN messager que la jonction définitive V-J-C est faite, permettant ainsi à la chaîne γ d'être fabriquée sans discontinuité. Cette notion de segments disjoints codants (ou exons) et non codants (introns) dans l'ADN rend compte de la possibilité de réarrangements dont la figure 3 montre le principe.

Pour les chaînes κ, il existe un ensemble de gènes dont le nombre paraît se situer entre 100 et 300, cinq gènes , dont quatre seulement sont fonctionnels, et un seul gène . Les mêmes étapes de réarrangement que celles précédemment décrites ont été mises en évidence (Tonegawa, Leder).

Association de deux gènes constants - crédits : Encyclopædia Universalis France

Association de deux gènes constants

En ce qui concerne les chaînes lourdes, trois groupes de gènes sont nécessaires pour la seule région variable : les gènes VH, codant jusqu'au résidu 98, les gènes D (pour « diversité »), à l'origine postulés par Hood, codant pour le segment le plus variable des immunoglobulines (en moyenne cinq à dix acides aminés), et quatre gènes JH. Viennent ensuite les gènes constants, huit chez la souris, correspondant aux classes et disposés dans l'ordre suivant : , , Cγ3, Cγ1a, Cγ2b, Cγ2a, et . Les gènes VH, D et JH, séparés sur l'ADN germinal, sont juxtaposés après réarrangement dans le lymphocyte B. Cet ensemble peut ensuite fonctionner, successivement ou simultanément, après association avec deux gènes constants.

La séquence d'événements débute par l'utilisation du gène et se poursuit par l'expression d'un autre gène, Cγ2a par exemple. On voit donc qu'une même région de reconnaissance (ensemble V-D-J) peut se trouver associée à un anticorps protecteur (de type IgM ou IgG) ou à un anticorps sensibilisant IgE.

Cette organisation comprise, l'origine de la diversité s'explique en grande partie. À partir de 300 gènes  et de 4 gènes , on peut réaliser 1 200 chaînes légères différentes. Le nombre exact de gènes VH et D n'est pas connu, mais il est raisonnable de penser que la combinaison mVH × nD × 4J produit entre 1 000 et 10 000 chaînes lourdes. L'association H × L permet donc de dépasser facilement le million de spécificités. On a pu montrer, de plus, qu'à cette diversité combinatoire, utilisant des gènes du patrimoine germinal hérité dans les cellules de l'organisme à partir de l'assemblage chromosomique biparental de la cellule originelle (zygote), s'ajoutaient des événements somatiques, des mutations par exemple, se produisant au cours de la différenciation des lymphocytes, et qui peuvent encore amplifier notablement la diversité. On a montré, enfin, que les événements de réarrangement qui conduisent à la constitution d'un ensemble de codage fonctionnel ne se produisaient correctement, en règle, que sur un seul des deux chromosomes de chaque paire. Cette observation rend compte de la théorie clonale, qui prédit qu'un lymphocyte n'exprime qu'une seule spécificité.

La structure des immunoglobulines et l'organisation des gènes responsables de leur synthèse ont été décrites en détail chez la souris, chez l'homme et, à un moindre degré, chez le lapin. Il est vraisemblable que les schémas ainsi définis s'appliquent à toutes les espèces animales qui possèdent des immunoglobulines. Il semble bien que les immunoglobulines correspondant aux structures décrites dans cet article existent chez tous les vertébrés et seulement dans cet embranchement. La diversité existe chez les Vertébrés les plus primitifs, qui, cependant, semblent ne posséder qu'une classe d'immunoglobulines, assimilables aux IgM. L'amplification du nombre de classes semble apparaître chez les amphibiens, peut-être en corrélation avec l'apprentissage de la vie aérienne.

— Michel FOUGEREAU

Immunocytes

L'immunité non spécifique est assurée par différentes cellules : phagocytes (monocytes-macrophages, polynucléaires neutrophiles), cellules cytotoxiques et cellules productrices de médiateurs de l'inflammation (ex. : mastocytes, plaquettes, monocytes-macrophages). L'immunité spécifique est due aux seuls lymphocytes, qui sont les seules cellules de l'organisme comportant des structures reconnaissant les déterminants antigéniques : par leurs unités de reconnaissance, ou récepteurs, les lymphocytes vont assurer l'adaptation spécifique de la réponse immunitaire aux stimulations antigéniques. Ainsi, un sujet vacciné contre le tétanos sera protégé contre cette seule maladie, ce qui implique que ses lymphocytes sont capables de reconnaître les déterminants de la toxine tétanique parmi les milliers d'autres antigènes dans la nature.

C'est pourquoi les lymphocytes peuvent être encore appelés immunocytes.

Historique

Le rôle fondamental des lymphocytes dans les réactions immunitaires a été établi par deux séries d'expériences. Merril Chase, pendant la Seconde Guerre mondiale, étudiait avec Karl Landsteiner à l'institut Rockefeller les mécanismes de l'hypersensibilité induite par application cutanée de substances chimiques simples, comme le chlorure de pycrile, chez le cobaye. Les animaux exposés une première fois à ces substances présentaient lors d'un deuxième contact une réaction allergique locale, spécifique vis-à-vis de l'allergène. Afin d'identifier le support de cette allergie, Merril Chase cherche à transmettre cette réponse spécifique à des cobayes non préalablement exposés à l'allergène. Il constate que ce transfert ne peut pas être réalisé à l'aide du sérum contenant des anticorps, mais seulement avec des lymphocytes vivants, extraits de la rate, des ganglions lymphatiques ou de la cavité péritonéale du donneur sensibilisé vis-à-vis de l'allergène. Ces expériences de « transfert adoptif » permettent de définir un ensemble de réactions d'immunité ou d'hypersensibilité à médiation cellulaire et de les distinguer des autres formes d'immunité dues à la mise en jeu des anticorps du sérum, c'est-à-dire de l'immunité humorale. La deuxième série d'expériences démontrant le rôle essentiel des lymphocytes dans l'immunité est due à James Gowans, professeur de physiologie à Oxford. En étudiant la circulation lymphatique chez le rat, Gowans réalisa en 1959 des canulations du canal thoracique permettant d'obtenir des suspensions très pures de lymphocytes circulants. Il démontra que ces lymphocytes, injectés chez un receveur dont le système immunitaire avait été détruit par irradiation, suffisaient à reconstituer chez ce dernier la plupart des phénomènes immunitaires : production d'anticorps et mémoire immunologique, rejet des allogreffes, hypersensibilité retardée et réactions du greffon contre l'hôte (cf. greffes). Dès lors, le lymphocyte pouvait être considéré comme la pierre angulaire du système immunitaire. Cependant, en découvrant la multiplicité des fonctions des lymphocytes et en constatant l'extraordinaire diversité des structures moléculaires susceptibles d'être identifiées par ces cellules, on était conduit à s'interroger sur leur degré de spécialisation : l'expérience montra rapidement qu'un seul lymphocyte ne reconnaît qu'un seul déterminant antigénique et qu'il est programmé pour une fonction régulatrice ou effectrice. Le singulier mythique du lymphocyte cellule-orchestre doit faire place au pluriel des lymphocytes, ensemble de cellules très diversifiées dans leurs propriétés. Cette diversité apparaît lors de la différenciation des lymphocytes à partir de cellules souches, au cours du développement, et chez l'adulte.

Les lymphocytes se séparent en deux lignées distinctes dont la différenciation irréversible s'effectue dans des organes centraux différents : le thymus, dont le rôle fut découvert par Jacques Miller en 1962, est le site de maturation des lymphocytes T, qui vont assurer des fonctions effectrices (cytotoxicité, hypersensibilité retardée) et régulatrices (amplification ou suppression) de la réponse immunitaire ; la bourse de Fabricius des oiseaux ou son équivalent, dans le micro-environnement des cellules souches hématopoïétiques, chez les mammifères permettent la différenciation des lymphocytes B qui assurent la production d'immunoglobulines (anticorps). Le stade final de maturation des cellules B est le plasmocyte.

Caractéristiques et identification

En microscopie optique, après étalement, fixation et coloration de suspensions cellulaires obtenues à partir du sang de la lymphe ou d'organes lymphoïdes, on distingue aisément lymphocytes et plasmocytes. Les petits lymphocytes se présentent comme des cellules rondes (fig. 4), d'une taille à peine supérieure à celle des globules rouges, d'un diamètre de 7 à 8 μm. Le noyau arrondi ou encoché occupe presque tout le volume de la cellule ; il contient une chromatine dense et il est habituellement dépourvu de nucléole. Le cytoplasme basophile est réduit à une mince collerette. D'autres lymphocytes, les moyens ou grands lymphocytes, ont un diamètre de 9 à 15 μm ; leur noyau contient une chromatine moins dense et plus hétérogène ; leur cytoplasme plus abondant, pâle et modérément basophile contient parfois des « granules azurophiles ». Ces grands lymphocytes à granules (environ 5 p. 100 des lymphocytes du sang) sont des cellules tueuses naturelles.

Les lymphocytes activés, encore appelés lymphoblastes, ou immunoblastes, sont des cellules de 10 à 20 μm de diamètre, dont le noyau clair contient un ou plusieurs nucléoles ; leur cytoplasme intensément basophile contient quelques vacuoles et de nombreux ribosomes donnant une couleur rouge après coloration par la pyronine, d'où l'appellation de « grandes cellules pyroninophiles » qui leur est parfois attribuée. Les plasmocytes, cellules sécrétrices d'anticorps, ont une forme ovale, un diamètre de 15 μm, un noyau arrondi excentré avec une chromatine hétérogène en damiers ou en rayons de roue, un cytoplasme basophile contenant parfois des dépôts denses d'immunoglobulines (corps de Russel).

La microscopie à contraste de phase permet d'observer les lymphocytes vivants : dans la concavité du noyau réniforme, une zone claire, le centrosome, contient l'appareil de Golgi. Elle est entourée de mitochondries qui apparaissent comme des granules sombres allongés. Les lymphocytes ne s'étalent pas sur les surfaces de verre, mais ils sont capables de se déplacer et d'émettre des prolongements cytoplasmiques, les uropodes, permettant d'établir un contact avec d'autres cellules.

En microscopie à balayage, les lymphocytes se présentent comme des cellules sphériques dont la surface est plus ou moins hérissée de vésicules ou de rides. Les lymphocytes activés sont entièrement recouverts de prolongements en doigts de gant.

En microscopie électronique à transmission, les petits lymphocytes ont un noyau arrondi ou encoché constitué d'hétérochromatine, sans nucléole nettement visible (fig. 5). Le noyau est entouré d'un feuillet ergastoplasmique limitant l'espace périnucléaire. Le cytoplasme contient de nombreuses mitochondries, des ribosomes libres, de rares lysosomes et un appareil de Golgi rudimentaire. La morphologie ultrastructurale des grands lymphocytes et des lymphoblastes diffère selon les lignées de différenciation T ou B. Dans cette dernière, les ribosomes sont organisés en polysomes fixés sur le réticulum endoplasmique, alors qu'il s'agit de ribosomes libres dans les cellules T. Dans les deux lignées, ces cellules ont un noyau clair à chromatine irrégulière, des nucléoles bien visibles, un appareil de Golgi, ce qui correspond à leur capacité de synthèse et d'excrétion des anticorps.

Distribution des leucocytes du sang - crédits : Encyclopædia Universalis France

Distribution des leucocytes du sang

Les différences de taille et de densité des lymphocytes ont été utilisées pour les séparer par sédimentation ou par centrifugation sur des solutions de densité connue. La technique habituellement utilisée pour isoler les lymphocytes du sang consiste à centrifuger du sang, prélevé sur anticoagulant, sur une solution de « Ficoll », de densité 1,078 : les lymphocytes, une partie des monocytes et des plaquettes sont récupérés à la surface tandis que les autres éléments figurés du sang se trouvent dans le culot de centrifugation. Les propriétés d'adhérence, d'impédance et de charge électrique (électrophorèse cellulaire) des lymphocytes font apparaître une hétérogénéité parmi ces cellules. Enfin, la mesure combinée de la diffraction de la lumière aux petits angles (forward angle scatter) et à 90 0C (right angle scatter) permet d'identifier les lymphocytes au sein de suspensions cellulaires hétérogènes (fig. 6).

Cette propriété trouve son application dans les techniques de cytofluorométrie, qui consistent à analyser une par une des cellules passant dans une veine liquide devant une source laser à la vitesse de 2 000 cellules par seconde. En utilisant des colorants de l'ADN et de l'ARN, ou des protéines, et en disposant des sondes spécifiques permettant d'identifier certaines structures sur la membrane cellulaire ou dans le cytoplasme (lectines ou anticorps couplés à un fluorochrome), on peut alors déterminer quatre paramètres simultanés sur chaque cellule, et procéder au tri des cellules définies par une combinaison de ces paramètres. Ces méthodes ont aujourd'hui de nombreuses applications, tant en recherche fondamentale qu'en immunologie médicale.

Différenciation des lymphocytes B

Cellules B : Cytochimie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cellules B : Cytochimie

Au cours de l'ontogenèse, les cellules souches hématopoïétiques sont successivement localisées dans la vésicule ombilicale, puis dans le foie fœtal et finalement dans la moelle osseuse où leur activité se poursuit tout au long de la vie. Parmi ces cellules souches, certaines vont s'engager dans la voie de différenciation des lymphocytes B. Chez les oiseaux, les premières étapes de cette différenciation ont lieu dans la bourse de Fabricius, qui se développe à partir d'une évagination de la paroi dorsale de l'extrémité caudale du tube digestif. Dès le treizième jour du développement embryonnaire, cet organe est colonisé par des cellules souches qui se différencient en lymphocytes au contact de l'épithélium. Chez les mammifères, les étapes centrales de différenciation des lymphocytes B ont lieu dans le foie fœtal puis dans la moelle osseuse. Les inducteurs de cette différenciation ne sont pas encore connus ; ils sont indépendants de toute stimulation antigénique. Les stades successifs de différenciation ont été étudiés, d'une part, au niveau des gènes et, d'autre part, à l'échelle du lymphocyte B. Les gènes des immunoglobulines, localisés chez l'homme sur le chromosome 14 pour les chaînes lourdes, le 2 pour les chaînes λ et le 22 pour les chaînes κ, subissent une réorganisation qui aboutit au rapprochement des gènes V et J pour les chaînes légères, D et J puis VDJ pour les chaînes lourdes (cf. supra, Immunoglobulines). Les cellules souches effectuent leur maturation en passant par un stade de lymphocyte pré-B, qui contient une chaîne μ intracytoplasmique, puis une chaîne légère κ ou λ. Le stade ultérieur est celui du lymphocyte B immature (tabl. 2), qui n'a pas de chaînes d'immunoglobuline dans son cytoplasme, mais qui possède des IgM à sa surface (sIgM). Le lymphocyte B mature a des caractéristiques analogues, mais présente en outre une deuxième immunoglobuline de surface, l'IgD (sIgD). Ces immunoglobulines de surface fonctionnent comme récepteurs d'antigène : ce sont les structures de reconnaissance qui permettent au lymphocyte B de se lier à un seul déterminant antigénique. Chaque cellule B ne produit qu'une seule chaîne légère, κ ou λ, un seul idiotype et un seul allotype de chaîne lourde ou légère. Ces caractéristiques sont communes à l'ensemble des cellules d'un même clone, c'est-à-dire issues par divisions successives d'un même lymphocyte B.

Les étapes ultérieures de différenciation des cellules B, aboutissant aux plasmocytes ou aux lymphocytes B « mémoire », ont lieu principalement dans les organes lymphoïdes secondaires ou périphériques (rate, ganglions, formations lymphoïdes associées aux muqueuses). Elles sont induites par une stimulation et soumises à une régulation faisant intervenir des interactions cellulaires.

Les stimulants peuvent être classés en deux catégories. D'une part, les antigènes, qui activent un petit nombre de cellules B ayant à leur surface les récepteurs (sIg) correspondant aux spécificités des déterminants antigéniques, vont induire la différenciation en plasmocytes produisant des anticorps de même spécificité que les sIg des lymphocytes B stimulés. D'autre part, les activateurs polyclonaux qui peuvent stimuler un ensemble de lymphocytes B, indépendamment des spécificités reconnues par leur sIg. Les activateurs sont des lectines d'origine végétale, des extraits bactériens, ou bien le virus de la mononucléose infectieuse (virus d'Epstein-Barr), qui permet d'obtenir des lignées lymphoblastoïdes B immortalisées, ou bien des interleukines (IL2, IL4, IL5, IL6), glycoprotéines produites par les cellules T ou, enfin, des anticorps (CD40).

La réponse aux antigènes et aux activateurs polyclonaux nécessite la présence de cellules accessoires exerçant une fonction régulatrice. Des monocytes ou des cellules dendritiques assurent la présentation de l'antigène aux cellules B et produisent des médiateurs ou messagers intercellulaires, tels que l'interleukine-1, permettant l'activation des cellules B. Des cellules T auxiliaires ou amplificatrices (T « helper ») sont indispensables à la réponse à certains antigènes ou activateurs polyclonaux, appelés pour cette raison « T dépendants ». Leur effet s'exerce à la faveur d'un contact direct avec les cellules B ou bien par l'intermédiaire de substances solubles, spécifiques de l'antigène ou non spécifiques. La régulation négative, ou suppression, est assurée d'une part par des monocytes ou macrophages, d'autre part par des cellules T suppressives (Ts). Amplification et suppression s'exercent de façon séquentielle sur les différentes étapes de la différenciation terminale des lymphocytes B en plasmocytes. La complexité de ces phénomènes de régulation est nécessaire pour assurer la parfaite adaptation de la réponse anticorps dans l'organisme.

Un deuxième niveau de régulation, d'ordre qualitatif, concerne la classe d'immunoglobuline synthétisée par le lymphocyte B, une même cellule ou un même clone pouvant produire d'abord des anticorps IgM, puis IgG, IgA ou IgE. Le passage d'une classe à l'autre, ou commutation, implique un réarrangement des gènes des chaînes lourdes (cf. supra, Immunoglobulines). Chaque classe d'anticorps a des fonctions biologiques particulières. On conçoit, dès lors, l'importance des mécanismes de contrôle qui aboutissent, après contact avec le même antigène, à la production d'anticorps IgG ou IgA protecteurs, ou bien d'anticorps IgE, responsables de phénomènes allergiques.

La commutation isotypique a lieu au sein des centres germinatifs des ganglions. À ce niveau, les cellules B font l'objet de mutations somatiques des gènes VL et VH puis d'une sélection par l'antigène.

Différenciation des lymphocytes T

À partir du pool des cellules souches hématopoïétiques, des cellules pré-T migrent vers le thymus, où elles se multiplient, tandis que s'effectue leur différenciation au contact des cellules réticuloépithéliales. La maturation se fait progressivement depuis la périphérie de l'organe, ou corticale, vers le centre, ou médullaire. Une petite partie des cellules nées par division dans le thymus achève sa différenciation et migre par voie sanguine vers les organes lymphoïdes périphériques et la circulation hémolymphatique.

La différenciation intrathymique des lymphocytes T se manifeste par l'expression de nouveaux marqueurs sur la membrane de ces cellules et par l'acquisition de propriétés fonctionnelles.

On connaît aujourd'hui plusieurs marqueurs ou antigènes de différenciation des cellules T. Ils sont repérés à l'aide d'anticorps monoclonaux obtenus par hybridation somatique de cellules B avec des cellules tumorales, puis clonage des hybridomes ainsi formés. Ces anticorps sont donc parfaitement homogènes et ne se combinent qu'à un seul déterminant antigénique.

Cellules T : antigènes de différenciation - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cellules T : antigènes de différenciation

Il ont permis d'identifier un ensemble de molécules fonctionnelles (tabl. 3) qui interviennent dans l'activation des cellules T (CD2, complexe TcR-CD3) dans l'adhésion intercellulaire (CD2, CD4, CD16, CD32) ou comme récepteurs d'interleukine-2 (CD25), de complément (CD21) ou de la région Fc de molécules d'anticorps (CD7, CD23). La plupart de ces molécules, à l'exception du complexe CD3-TcR, ne sont pas présentes exclusivement sur les cellules T. Ainsi, la molécule CD4, qui interagit avec les antigènes HLA de classe II, est aussi le récepteur de la protéine d'enveloppe gp 120 du virus HIV1 responsable du sida. Cette molécule CD4 est présente sur 40 p. 100 des monocytes, les cellules de Langerhans de l'épiderme et 5 p. 100 des lymphocytes B. Les anticorps permettent alors d'identifier les cellules portant l'antigène correspondant, d'étudier leurs variations dans divers états pathologiques, d'isoler ou bien d'éliminer ces cellules au sein d'une suspension hétérogène, enfin de modifier la réponse immunitaire dans des expériences chez l'animal et peut-être en thérapeutique humaine.

Les propriétés fonctionnelles acquises par chaque cellule T au cours de sa maturation intrathymique concernent d'une part la fonction de reconnaissance du non-soi et d'autre part des fonctions régulatrices ou effectrices. On retrouve donc au niveau de la cellule T la dualité fonctionnelle caractéristique de la molécule d'anticorps (cf. supra, Immunoglobulines).

La structure des récepteurs spécifiques des cellules T (TcR) est aujourd'hui parfaitement connue. Deux types de récepteurs sont présents sur des populations distinctes de lymphocytes T. Chaque récepteur TcR est un hétérodimère formé de deux chaînes polypeptidiques α et β ou γ et δ. La structure du TcR est donc analogue à celle d'un fragment Fab d'anticorps.

Ces polypeptides comportent, après clivage du peptide signal N-terminal nécessaire au transport intracellulaire de la chaîne, une séquence V (ou V + D pour les chaînes β et δ), une séquence J de 15 résidus, une séquence C de 140 résidus, une séquence hydrophobique transmembranaire de 20 aminoacides et une très courte queue intracytoplasmique de 5 résidus.

Chaque séquence est codée par un exon différent. Ces gènes (V, D, J et C) se trouvent sur deux chromosomes : 4 et 7. Pour devenir fonctionnels, les gènes en disposition germinale doivent subir un réarrangement qui a lieu lors de la différenciation intrathymique. Comme pour les gènes des immunoglobulines, ce processus nécessite l'appariement de séquences de reconnaissance (heptamère et nonamère séparés par 12 ou 23 paires de bases) localisés en 3′ des gènes Vβ et en 5′ de Jβ et Dβ, sous l'influence d'une recombinase. La jonction Jβ et Dβ induit l'activité d'un promoteur situé en 5′ de Dβ et initie la transcription du gène réarrangé. L'ordre de réarrangement des gènes dans le thymus est γ δ β α. Beaucoup de recombinaisons aboutissent à des gènes non fonctionnels. Le nombre de mutations somatiques est très faible au niveau des gènes du récepteur T, contrairement aux gènes d'immunoglobulines où il est beaucoup plus élevé que dans tout le reste du génome.

Les récepteurs γ-δ comprennent deux catégories selon qu'existe ou non un pont S-S interchaîne. Ces récepteurs sont présents sur 2 à 5 p. 100 des lymphocytes circulants du sang, en particulier sur des cellules tueuses NK. Les récepteurs α-β sont présents sur la plupart des lymphocytes circulants. Leur interaction avec un peptide, fragment d'antigène, en association avec un antigène HLA de classe I ou II aboutit à l'activation du lymphocyte T : passage en phase G1 du cycle cellulaire avec induction de la synthèse de lymphokines (ou de protéines cytotoxiques) puis synthèse d'ADN (phase S-G2) et division cellulaire. La transduction d'un signal activateur met en jeu le complexe moléculaire CD3 associé au TcR. Ce complexe, qui comprend 6 polypeptides (γ, δ, ε, ω, p21 et ζ), active une tyrosine kinase permettant la phosphorylation des protéines, et une phospholipase C responsable de la synthèse de diacylglycérol et de l'ouverture de canaux ioniques.

L'activation nécessite en outre une stabilisation de la liaison entre cellule T et cellule présentant l'antigène. Cette fonction est assurée par des molécules d'adhésion dont les plus importantes sont CD4, qui se lie aux antigènes HLA de classe II, CD8 qui interagit avec les molécules HLA de classe I et LFA-1 qui se lie à la protéine membranaire ICAM.

Les fonctions régulatrices des lymphocytes T sont décrites selon le sens de leur effet, en termes d'amplification (T « helper », ou Th) ou de suppression (Ts). Elles s'exercent vis-à-vis de différentes formes de réponse immunitaire : production d'anticorps, réactions d'hypersensibilité retardée ou rejet d'allogreffe, différenciation des cellules cytotoxiques, ce qui correspond à des phénomènes de coopération cellulaire T-B, T-T, ou T-macrophage, par contact direct ou par l'intermédiaire de médiateurs. Ces propriétés régulatrices peuvent être spécifiques vis-à-vis d'un antigène ou bien non spécifiques.

Les propriétés effectrices des lymphocytes T peuvent être classées en deux catégories : la production de médiateurs et la cytotoxicité. En présence d'antigènes spécifiques ou d'activateurs polyclonaux, les cellules T libèrent des lymphokines, qui agissent sur plusieurs catégories de cellules (monocytes et macrophages, lymphocytes T et B, polynucléaires, ostéoclastes, etc.) et participent à la réaction inflammatoire de l'hypersensibilité retardée et à la résistance vis-à-vis des infections par des micro-organismes captés par les macrophages (mycobactéries, etc.). Les cellules T cytotoxiques détruisent par contact direct les cellules infectées par un virus. Elles interviennent et dans la résistance vis-à-vis d'infections virales.

Les cellules T auxiliaires CD4 sont actuellement classées en deux populations selon les cytokines qu'elles produisent après stimulation par l'antigène : les cellules CD4 TH1 sécrètent l'IL-2 et l'IFNγ, et contrôlent les réactions d'hypersensibilité retardée ; les cellules TH2 produisent l'IL-4, l'IL-5, l'IL-6 et l'IL-10, et contrôlent la production d'anticorps et les réactions d'hypersensibilité dues aux anticorps IgE, aux mastocytes et aux éosinophiles.

Cette fonction régulatrice, exercée par l'intermédiaire des lymphokines qu'elles produisent, fait des cellules T auxiliaires CD4 des acteurs fondamentaux dans le fonctionnement du système immunitaire adaptatif, comme l'a démontré l'infection par le VIH. Ce virus s'attaque aux CD4 ; c'est l'agent mortel qui, au cours du sida, détermine une immunodépression irréversible (cf. sida).

La mesure de la diminution du nombre des CD4 permet de suivre l'évolution du sida et l'efficacité de la thérapeutique. La classe de différenciation (CD) des lymphocytes qui sont la cible du VIH, est identifiée grâce aux antigènes de différenciation portés par ces lymphocytes et reconnus par des anticorps monoclonaux spécifiques de ces marqueurs biochimiques caractérisant les CD4.

Organisation du tissu lymphoïde et circulation des lymphocytes

L'organisme humain adulte contient environ 1012 lymphocytes (mille milliards), répartis de façon diffuse dans le sang, la lymphe et les tissus, ou bien rassemblés au sein de structures favorisant les interactions cellulaires nécessaires au développement de la réponse immunitaire et à sa régulation. Ces structures lymphoïdes constituent les organes lymphoïdes secondaires ou périphériques : ganglions lymphatiques, pulpe blanche de la rate et formations lymphoïdes associées aux muqueuses. C'est au sein de l'une de ces structures, en fonction de la voie de pénétration de l'antigène, que s'effectue la réponse immunitaire, d'abord locale, puis étendue à l'ensemble de l'organisme du fait de la diffusion des anticorps dans les liquides biologiques et de la circulation des lymphocytes dans les tissus.

Les lymphocytes que l'on trouve à un instant précis dans le secteur intravasculaire – soit 1010 environ chez l'homme adulte – n'y font qu'un bref passage. La plupart quittent le sang en franchissant les veinules postcapillaires pour gagner le cortex profond (zone thymo-dépendante) des ganglions, migrer par les vaisseaux lymphatiques à travers d'autres relais ganglionnaires, pour rejoindre finalement le canal thoracique et la circulation sanguine. La circulation hémolymphatique se répartit en deux circuits relativement indépendants, l'un par les ganglions périphériques, l'autre par les formations lymphoïdes associées aux muqueuses. Par ailleurs, les lymphocytes passent de la pulpe blanche de la rate vers le sang, et vice versa. La circulation permanente des lymphocytes dans l'organisme est l'un des mécanismes essentiels au fonctionnement des réactions d'immunité à médiation cellulaire : la reconnaissance de l'antigène étant assurée par un récepteur de la membrane des cellules T, il est nécessaire que ces lymphocytes se déplacent pour pouvoir identifier un antigène localisé dans un tissu ou dans une cellule.

— Jean-Pierre REVILLARD

Typologie et caractéristiques de la réaction immunitaire adaptative

Chez les Vertébrés (poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères), la réaction immunitaire est polymorphe. Elle englobe deux processus physiologiques très différents : la réponse immunitaire et la tolérance immunitaire.

La réponse immunitaire

La réponse immunitaire est elle-même dichotomique et comprend deux volets distincts : la réponse humorale et la réponse à médiation cellulaire.

Réponse humorale

Les effecteurs moléculaires de cette réponse sont les anticorps constitués par les immunoglobulines présentes à l'état soluble dans le plasma et la plupart des autres liquides biologiques de l'organisme, y compris le colostrum et le lait. Les anticorps sont synthétisés et sécrétés souvent en quantités élevées, voire massives, par les plasmocytes, qui peuvent produire jusqu'à 2 000 molécules par cellule. Les plasmocytes dérivent de la division cellulaire et de la différenciation des clones de lymphocytes B activés par l'interaction des épitopes de l'antigène microbien avec les récepteurs immunoglobuliniques spécifiques (de ces épitopes) présents à la surface de ces cellules.

L'anticorps produit par un clone de lymphocyte B est appelé monoclonal. Étant donné la nature multiépitopique des antigènes, un même antigène induira la production de plusieurs anticorps différents, chaque type étant spécifique d'un épitope. Pour cette raison, la réponse à un antigène sera qualifiée de polyclonale. Il en découle que les anticorps spécifiques d'un antigène donné présents dans un immunsérum (sérum provenant d'un individu immunisé avec l'antigène) seront constitués par un nombre (souvent indéterminé) d'immunoglobulines variées et hétérogènes, certes toutes spécifiques de l'antigène mais différant par leurs spécificités individuelles vis-à-vis de chacun des différents épitopes et par de nombreuses autres caractéristiques structurales (isotypes, idiotypes) ou thermodynamiques (affinité). Pour cette raison, la réponse humorale à un antigène est qualifiée de « dégénérée ».

L'immunité humorale, contrairement à l'immunité à médiation cellulaire, peut être transférée passivement d'un individu immunisé contre un antigène donné à un individu non immun par injection de l'immunsérum (ou des Ig purifiées) du premier au second. Cette propriété constitue le fondement de la sérothérapie (par exemple, dans le cas du tétanos ou contre des virus). Les deux types d'immunité diffèrent également par le fait que, en raison de leur diffusibilité dans l'ensemble de l'organisme, les anticorps peuvent agir sur leurs cibles loin de leurs sites cellulaires de production.

Reconnaissance des antigènes par les anticorps

Du fait de leur dualité structurale (cf. supra, Immunoglobulines, structure des IgG), les anticorps sont des molécules bifonctionnelles qui assurent d'une part la fonction de reconnaissance spécifique des épitopes et d'autre part des fonctions effectrices, non spécifiques de l'antigène. La reconnaissance de l'épitope s'effectue au niveau de la région variable (domaine V) situé à l'extrémité amino-terminale des chaînes lourde et légère, c'est-à-dire la partie appelée Fab, comportant le « site anticorps » (paratope) propre à chaque molécule d'immunoglobuline, dissemblable d'un anticorps à l'autre et, de ce fait, spécifique d'un épitope donné (ou d'épitopes structuralement apparentés).

L'interaction in vivo (au sein de l'organisme) ou in vitro des anticorps spécifiques d'un antigène se traduit par la formation de complexes immuns macromoléculaires constitués par l'antigène et les immunoglobulines qui se sont combinées aux différents épitopes de l'antigène. Cette réaction peut se manifester de différentes manières selon la nature et l'état physique des antigènes mis en présence avec l'immunsérum ou les immunoglobulines purifiées spécifiques de l'antigène (cf. immunochimie).

Les fonctions effectrices sont assurées par la région constante des chaînes lourdes (partie Fc de la molécule d'Ig) dénuée de toute activité anticorps. Elles confèrent la capacité du passage transplacentaire des IgG (uniquement), la fixation des Ig sur diverses cellules du système immunitaire (basophiles, mastocytes, monocytes-macrophages, polynucléaires, lymphocytes), la libération par les mastocytes et les basophiles des médiateurs de l'hypersensibilité immédiate – provoquant alors des manifestations allergiques comme l'asthme, l'urticaire ou le rhume des foins et la fixation des constituants du système du complément. Ce système est un ensemble enzymatique complexe d'une vingtaine de protéines plasmatiques circulantes qui joue un rôle essentiel dans les mécanismes effecteurs de l'immunité humorale en raison de la fixation du composant C1 du système sur les complexes immuns antigène-anticorps au niveau de la partie Fc des IgG et des IgM.

Effets protecteurs des interactions antigène-anticorps dans l'immunité spécifique

La réponse humorale constitue l'élément défensif essentiel contre certains virus et les bactéries à multiplication extracellulaire (la plupart des bactéries pathogènes, notamment les staphylocoques et les streptocoques, les clostridies et de nombreux germes à Gram négatif). En revanche, les défenses contre de nombreux virus, les bactéries à développement intracellulaire (multiplication dans les phagocytes), les tumeurs et les greffes d'organes seront essentiellement assurées par la réponse à médiation cellulaire ci-après exposée. Les anticorps produits au cours de la réponse humorale se distinguent par des aspects structuraux (classes et sous-classes des Ig impliquées) et des propriétés fonctionnelles différentes selon la nature des antigènes reconnus, selon les micro-organismes ou les cellules portant ces antigènes, leur mode et voie d'entrée et leur localisation dans l'organisme de l'hôte. Ainsi, les anticorps, formés contre les antigènes des micro-organismes localisés dans les muqueuses (immunité locale), sont dans leur majorité les IgA sécrétoires (dimériques). Les anticorps suscités contre de nombreux parasites, notamment les helminthes et les allergènes (pollens, antigènes des acariens, etc.), appartiennent à la classe des IgE.

Les anticorps de l'isotype IgM apparaissent en premier au cours de la réponse à un antigène entrant en contact pour la première fois avec le système immunitaire de l'hôte (réponse primaire). Ultérieurement apparaissent les IgG ou d'autres isotypes. Les IgM représentent également la classe d'anticorps prépondérante, et souvent exclusive, qui sera suscitée contre les antigènes thymo-indépendants (cf. infra) tels que les antigènes polyosidiques, très fréquents à la surface des micro-organismes, et celle de nombreuses cellules eucaryotes. Elles interviennent efficacement dans les infections bactériennes et virales. Présentes essentiellement dans le plasma, elles forment une première ligne de défense dans les septicémies provoquées par ces germes et sont les plus efficaces pour l'agglutination des micro-organismes ou de cellules (les hémagglutinines anti-A et anti-B du système sanguin ABO sont de ce type) et dans la fixation du complément.

Les IgG interviennent de différentes manières dans l'immunoprotection, comme explicité plus loin. Elles jouent un rôle capital grâce à la propriété de fixer le complément (les plus efficaces sont les IgG3, suivies des IgG1 et des IgG2 ; les IgG4 sont inactives) et de traverser le placenta, et donc de protéger le fœtus. De ce fait, les IgG seront la première ligne de défense du nouveau-né avec les IgA transmises par le lait.

Les différentes modalités d'intervention des anticorps spécifiques sans ou avec l'intervention du complément dans les défenses de l'hôte peuvent être résumées comme suit :

Neutralisation par les anticorps de l'activité biologique (blocage du site actif) d'antigènes solubles circulants tels que les toxines, les enzymes et autres agressines produites par les micro-organismes dans certaines maladies infectieuses (diphtérie, tétanos, scarlatine, etc.). Les complexes antigènes-anticorps (du type IgG essentiellement) formés perdant ainsi l'aptitude à diffuser rapidement, le complexe immun devient sensible à la phagocytose et pourra être éliminé, surtout si la taille de ce complexe est augmentée par fixation d'auto-anticorps naturels (cf. infra) anti-IgG et anti-fragments C3b du complément (appelés parfois facteur antiglobulines et anti-immunoconglutinines). L'interaction toxines bactériennes-anticorps antitoxines a été un des meilleurs modèles dans l'étude immunochimique quantitative théorique et expérimentale de la réaction antigène-anticorps en milieu liquide.

Potentialisation de la phagocytose : ce processus, appelé opsonisation, concerne de nombreuses bactéries entourées de capsules polyosidiques ou polypeptidiques (pneumocoques, formes « smooth » du bacille typhique et d'autres salmonelles, Haemophilus, etc.) ou porteuses de pili (cils) tels les streptocoques et les méningocoques. Ces structures, qui repoussent les macrophages et les polynucléaires, rendent très difficile la phagocytose des germes. Mais celle-ci devient remarquablement efficace après fixation, sur les antigènes de surface de ces micro-organismes, d'anticorps IgG1 et IgG3 spécifiques de ces antigènes. Les complexes bactéries-anticorps (qualifiés d'opsonisants) se lient alors aux phagocytes par l'extrémité du fragment Fc de ces anticorps, resté libre, aux récepteurs de ce fragment porté par ces cellules. Cette interaction entraîne une baisse de l'hydrophobicité des constituants de surface de la bactérie, ce qui en facilite l'ingestion. Celle-ci sera en outre considérablement renforcée par l'activation du complément par les complexes immuns formés, qui génèrent le fragment C3b – qui se fixe alors par une extrémité à la surface bactérienne et par l'autre aux récepteurs de ce fragment sur les phagocytes. La bactérie est alors internalisée et détruite à l'intérieur de ces cellules. Ce processus a été également observé pour certains parasites (plasmodiums, trypanosomes) et virus. On peut rapprocher de ce mécanisme l' agglutination des bactéries, de certains parasites (forme mérozoïte du plasmodium) ou d'autres particules (par exemple les érythrocytes) par les anticorps (appelés parfois agglutinogènes), qui entraîne leur immobilisation et, de ce fait, leur endocytose puis leur destruction par les cellules phagocytaires.

Inhibition par les anticorps (IgA sécrétoires) de l'adhérence de nombreuses bactéries (streptocoques, bacille coquelucheux, gonocoques, vibrion cholérique, Haemophilus influenzae, etc.) sur la surface externe des muqueuses digestives, respiratoires, génitales (immunité locale). Ces anticorps peuvent également intervenir dans l'opsonisation des bactéries par activation de la voie alterne du complément.

Inhibition par les anticorps du pouvoir infectant de certains virus (entérovirus, arbovirus, etc.) qu'ils empêchent de pénétrer dans les cellules cibles en inhibant leur fixation sur leurs récepteurs cellulaires. C'est le cas pour les virus de la poliomyélite, de la rage, de la rubéole, de la rougeole ou de la grippe. La neutralisation des virus intervient lorsque ces particules se déplacent à l'état libre dans la circulation sanguine avant d'atteindre leur cible finale. Les anticorps sont particulièrement importants pour prévenir la réinfection virale.

Destruction (bactériolyse) de certaines bactéries Gram négatif (E. coli, Neisseria) par les anticorps et activation concomitante de l'intégralité de la cascade du complément jusqu'aux stades C8 et C9, qui entraînent larupture de la membrane bactérienne par formation de pores transmembranaires. Un exemple typique est la bactériolyse du vibrion cholérique introduit dans le péritoine du cobaye vacciné contre cette bactérie.

Destruction de cellules eucaryotes et de certains parasites par le phénomène appelé cytotoxité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (antibody dependent cytotoxicity ou ADCC). Dans ce processus, qui n'est pas dépendant du complément, des cibles cellulaires variées (y compris certaines tumeurs et cellules leucémiques) recouvertes uniquement d'anticorps en faibles concentrations (de la classe des IgG uniquement) sont lysées par contact avec des cellules mononucléées, des polynucléaires ou des plaquettes sanguines appelées cellules K (pour killer) possédant à leur surface des récepteurs de haute affinité pour le fragment Fc (domaine Cγ2 et Cγ3) des IgG. Les anticorps se fixent par leurs sites aux épitopes spécifiques des antigènes de surface des cellules-cibles et par leur fragment Fc aux cellules K. Le pont ainsi établi entre ces cellules et les cellules-cibles déclenchent la lyse de ces dernières.

Couple réaction immunitaire-vaccination - crédits : Encyclopædia Universalis France

Couple réaction immunitaire-vaccination

La particularité essentielle de la réponse humorale est d'être un phénomène qui laisse une trace, à savoir la rémanence des clones antimicrobiens qu'elle a sélectionnés. Elle confère ainsi une immunité prolongée qui s'oppose spécifiquement à la réinfection. C'est le phénomène de mémoire immunitaire, qui permet d'immuniser contre une maladie en inoculant un vaccin.

Cependant la réponse humorale n'est pas toujours bénéfique pour l'hôte. Dans certains cas, elle peut s'avérer néfaste, voire mortelle. Les exemples sont nombreux : allergie, choc anaphylactique, allo-immunisation fœto-maternelle et maladie hémolytique périnatale, allo-immunisation post-transfusionnelle, maladies auto-immunes par auto-anticorps, maladie sérique, lésions organiques par dépôt de complexes immuns (glomérulonéphrites), vascularites allergiques, etc.

Réponse à médiation cellulaire

Les effecteurs moléculaires de ce deuxième volet de la réponse immunitaire spécifique sont les récepteurs TcR présents à la surface des lymphocytes T. Contrairement à la réponse humorale, dans la réponse à médiation cellulaire (ou, plus brièvement, réponse cellulaire), il n'existe pas de forme soluble et diffusible du récepteur T similaire à l'anticorps. Ce récepteur reste en permanence lié au lymphocyte T, les deux chaînes polypeptidiques qui le constituent étant solidement ancrées par leur extrémité carboxy-terminale dans la membrane cytoplasmique de cette cellule.

L'interaction spécifique antigène-lymphocyte T s'effectue encore par les liaisons non covalentes qui régissent l'interaction antigène-anticorps (épitope-paratope immunoglobulinique). Une reconnaissance mutuelle et stéréospécifique s'établit entre des structures épitopiques de l'antigène appelées épitopes T (décrits plus loin) et les TcR correspondants. Cette interaction est toutefois nettement plus complexe que pour les immunoglobulines. La différence entre les deux systèmes tient au fait que le TcR ne reconnaît l'épitope qu'à la condition que celui-ci lui soit présenté en étroite association avec une molécule de classe I ou de classe II du complexe CMH (cf. infra) et que ces deux entités soient exposées côte à côte à la surface (membrane cytoplasmique) d'une cellule présentatrice. Celle-ci peut être un monocyte, un macrophage, un lymphocyte B, une cellule tumorale ou toute autre cellule eucaryote (par exemple, une cellule infectée par un virus). Ce processus de reconnaissance nécessaire au déclenchement de la réponse à médiation cellulaire implique donc obligatoirement un contact cellule-cellule étroit. Cette interaction intercellulaire nécessite la participation de glycoprotéines membranaires appelées molécules d'adhésion qui, par leurs interactions mutuelles à la surface des cellules réagissantes, permettent l'établissement du contact requis. Ces adhésines sont la LFA-1 (lymphocyte associated antigen-1) et les molécules CD2 CD4 et CD8 (CD : cluster of differenciation) pour les lymphocytes T et l'ICAM 1 (intracellular adhesion molecule, également appelée CD54) et LFA-3 (CD58) pour les cellules présentatrices de l'antigène. Les couples d'interaction sont les suivants : CD2-LFA-3, LFA-1-ICAM 1 et CD4/CD8-antigènes de classe II/antigènes de classe I du CMH. Par suite de l'interaction TcR-épitope T, les lymphocytes T sont stimulés et entament leur division cellulaire (prolifération clonale) qui aboutit à la génération des lymphocytes effecteurs portant le même TcR. Ces cellules effectrices assureront, par les mécanismes décrits ci-après, l'élimination de l'agresseur vis-à-vis des antigènes duquel cette réponse immunitaire était suscitée.

Un exemple typique de ce processus est celui mis en jeu dans la réponse cellulaire antivirale. Après pénétration du virus dans la cellule cible, les antigènes seront dégradés en petits fragments peptidiques, les épitopes T. Chaque épitope T migrera à la surface cellulaire, associé à la molécule HLA de classe I, pour se lier au TcR spécifique qui reconnaîtra conjointement ces deux entités.

La condition indispensable pour cette reconnaissance est l'identité entre les molécules du CMH (variables d'un individu à l'autre en raison du polymorphisme génétique) du lymphocyte T et celles exprimées à la surface des cellules présentatrices. Il s'agit du phénomène de restriction allogénique découvert en 1975 par R. Zinkernagel et P. Doherty.

Manifestation de la réponse à médiation cellulaire

Mise en œuvre dans l'immunité contre de nombreux virus, la manifestation de la réponse à médiation cellulaire l'est également vis-à-vis d'un certain nombre de bactéries (bacille tuberculeux et autres mycobactéries, certaines corynebactéries, Brucella, Listeria, Legionella, Chlamydiae, Rickettsia...), de certains protozoaires (Leishmania, toxoplasmes, trypanosomes) et de micro-organismes fongiques (Candida, Aspergillus...). Ces agents infectieux survivent et se développent comme les virus non pas à la surface des cellules ou dans les espaces intercellulaires de l'hôte, mais à l'intérieur de ses cellules phagocytaires et parfois de ses cellules non phagocytaires. De ce fait, ils sont inaccessibles aux anticorps et survivent dans les macrophages grâce à leur capacité de contrer les processus habituels de destruction des micro-organismes par les phagocytes.

La réponse à médiation cellulaire est également le mécanisme majeur dans la réaction de l'organisme contre l'intrusion de cellules allogéniques et, a fortiori, xénogéniques apportée par les greffes de tissus d'organes ou de cellules, donnant lieu au phénomène du rejet des greffes. Ce même type de réponse concerne également la destruction de certaines tumeurs, notamment les tumeurs viro-induites (immunité tumorale), et la réaction du greffon contre l'hôte (graft versus host reaction), qui peut être considérée comme l'inverse de la réaction du rejet des greffes. Elle implique l'attaque du receveur par des cellules immunocompétentes injectées à un hôte incapable de les rejeter. Cette réaction est la complication la plus grave des greffes de moelle osseuse allogéniques chez des sujets leucémiques ou souffrant de déficits immunitaires.

Certaines maladies auto-immunes expérimentales relèvent aussi de ce type de réponse consécutif à l'introduction de certains antigènes tissulaires chez l'hôte. C'est le cas de l'encéphalomyélite allergique expérimentale déclenchée par la protéine basique encéphalitogène de la myéline, de la thyroïdite allergique et de l'arthrite provoquée par certains adjuvants (notamment l'adjuvant de Freund) et par des antigènes de membranes bactériennes (par exemple, streptococciques).

Robert Koch - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Robert Koch

Une autre manifestation majeure de la réponse cellulaire concerne le phénomène biologique très important appelé hypersensibilité de type retardé (HSR). Un exemple typique de HSR est la réaction à la tuberculine injectée par voie intradermique (réaction décrite par Mantoux) chez un sujet présentant une infection tuberculeuse évolutive ou guérie, et chez les individus vaccinés par le bacille de Calmette et Guérin (BCG). Cette réaction, qui s'observe également chez l'animal (notamment le cobaye), décrite pour la première fois en 1890 par Robert Koch (phénomène de Koch), se manifeste vingt-quatre à quarante-huit heures après l'injection de l'antigène (BCG, tuberculine ou son dérivé protéique purifié appelé PPD) par une induration, une inflammation et un érythème autour de la zone d'injection. L'HSR n'est pas transmissible par le sérum d'un donneur sensibilisé à un receveur neuf (non sensibilisé). En revanche, le transfert peut être effectué par les lymphocytes T du même donneur, démontré dès 1942 par les travaux remarquables de M. Chase et K. Landsteiner. L'HSR déclenchée par un antigène approprié s'observe dans diverses infections bactériennes – notamment la tuberculose, la lèpre, la brucellose (détectée par le test à la mélitine), etc. –, virales (variole, rougeole, herpès), fongiques (candidose détectée par le test à la candidine, histoplasmose) et parasitaires (leishmaniose, bilharziose). Une autre modalité de l'HSR est la dermite allergique de contact (hypersensibilité de contact) vis-à-vis de nombreuses substances chimiques sensibilisantes (dérivés halogénés du benzène, oxazolones, etc.), de médicaments, de colorants et de métaux (chrome, nickel). De nombreuses dermatoses professionnelles relèvent de ce phénomène.

Un certain nombre de tests de laboratoire reflètent in vitro les réponses à médiation cellulaire, notamment les tests de transformation lymphoblastique et d'inhibition de migration des macrophages. Un autre test, la réaction lymphocytaire mixte, se traduit par une transformation des lymphocytes en lymphoblastes et par leur prolifération lorsqu'on met en présence des lymphocytes provenant d'individus génétiquement différents. Ce test a été utilisé pour le typage de la région D du système HLA chez l'homme.

Modalités fonctionnelles

Deux types de mécanismes opérationnellement distincts caractérisent la réponse à médiation cellulaire :

– la destruction directe par les lymphocytes T des cellules porteuses de l'antigène étranger ;

– la mise en jeu de lymphokines et de macrophages activés dans la destruction de l'agresseur antigénique et le déclenchement de la réaction d'hypersensibilité retardée.

Le premier de ces mécanismes, la destruction directe, a pour effecteurs les lymphocytes T appelés cytotoxiques (abréviation : CTL, pour cytotoxic T lymphocytes). Ceux-ci provoquent, par un contact intercellulaire direct, la lyse des cellules de l'hôte présentant à leur surface les épitopes des antigènes de l'agresseur (cellules infectées par un virus, cellules allogéniques, tumeurs) reconnus par les récepteurs T spécifiques de ces épitopes. Les CTL appartiennent (sauf exception) à la sous-population de lymphocytes T exprimant habituellement à leur surface les molécules de l'antigène CD8 (antérieurement désigné T8) chez l'homme et Ly2 chez la souris. Leur prolifération clonale sous l'effet de l'antigène requiert obligatoirement la coopération des lymphocytes T auxiliaires (helper) possédant à leur surface les molécules de l'antigène CD4 (L3T4 chez la souris) et producteurs de l'interleukine-2 (IL-2). L'interaction CTL-cellule-cible provoque la destruction de cette dernière par des mécanismes impliquant une série de molécules lytiques, notamment la perforine, stockée dans des organites présents à l'intérieur du cytoplasme du CTL et libérée par exocytose. Les molécules de perforine s'insèrent alors dans la membrane cytoplasmique de la cellule-cible, créant ainsi des pores transmembranaires aboutissant à l'éclatement de la cellule par choc osmotique.

Le second type de mécanisme, la destruction indirecte, impliqué dans la réponse à médiation cellulaire a pour effecteurs les lymphocytes T auxiliaires. Il concerne les défenses contre les agents infectieux à développement intracellulaire et l'HSR contre ces agents et leurs antigènes solubles, ou contre les substances organiques et minérales exogènes sensibilisantes.

Pour les micro-organismes infectieux localisés dans les macrophages, de petits fragments antigéniques dits épitopes T (provenant probablement des micro-organismes déjà morts et dégradés par les enzymes des compartiments intracytoplasmiques des macrophages) seront exposés à leur surface, associés cette fois-ci aux molécules de classe II du CMH. Les deux entités sont alors présentées aux lymphocytes T auxiliaires (CD4+) possédant les récepteurs T appropriés. Comme pour les lymphocytes T cytotoxiques, la reconnaissance est restreinte (compatibilité des antigènes de classe II du CMH des macrophages et du lymphocyte T). Cette reconnaissance des épitopes provoquera les deux événements majeurs de la réponse : en premier lieu la prolifération clonale des lymphocytes T sous l'influence notamment de l'interleukine-1 (IL-1), cytokine produite par les macrophages, et de l'IL-2 produite par les lymphocytes T CD4+ eux-mêmes ; en second lieu la production par ces derniers d'une série de médiateurs solubles de la réaction inflammatoire, les lymphokines.

Contrairement aux mécanismes d'action des CTL, les lymphocytes T sensibilisés ne participent pas directement par un contact cellule-cellule à l'élimination des micro-organismes dans les macrophages infectés. Celle-ci sera assurée conjointement par les lymphokines libérées au cours de la prolifération des lymphocytes T et par les macrophages hébergeant les micro-organismes infectieux. Il s'agit du phénomène connu sous le nom de « recrutement et activation des macrophages ». Ces cellules seront attirées par chimiotactisme, sous l'effet des lymphokines, vers le site infectieux (ou, dans le cas de l'HSR, au site de localisation de l'antigène introduit), où ils s'accumulent et s'immobilisent. Ce recrutement est alors suivi du processus complexe de l'activation par ces mêmes lymphokines, qui se traduit par l'augmentation importante du pouvoir bactéricide des macrophages, et, de ce fait, d'une destruction plus rapide et plus intense des micro-organismes infectant ces cellules.

Parmi les lymphokines produites, deux d'entre elles sont les plus importantes : l'interféron γ et le facteur d'inhibition de la migration des macrophages (MIF pour macrophage inhibition factor) qui a pour effet d'amplifier le pouvoir bactéricide, cytotoxique et éventuellement tumoricide de ces cellules. Le MIF possède le pouvoir in vitro (et probablement in vivo) de bloquer le déplacement des macrophages, et donc de provoquer leur accumulation au niveau de la zone de localisation de l'antigène.

La tolérance immunitaire

Ce troisième volet de la réaction immunitaire spécifique d'un antigène est en quelque sorte l'inverse de la réponse immunitaire. Dans son acception la plus large, la tolérance peut être définie comme l'inhibition spécifique, centrale, totale ou partielle de la réponse immunitaire, humorale et/ou à médiation cellulaire, vis-à-vis d'un antigène donné ou de certains épitopes de celui-ci, consécutive à un contact préalable de l'hôte avec l'antigène contre lequel il aurait pu développer une réponse immunitaire dans d'autres conditions. La tolérance concerne généralement l'inhibition simultanée des réponses humorales et cellulaires, mais l'inhibition d'une seule de ces réponses peut également s'observer dans certaines circonstances.

L'individu rendu tolérant vis-à-vis d'un antigène donné (désigné par le terme générique de tolérogène) garde sa capacité de répondre normalement à d'autres antigènes administrés en même temps que le premier à la condition de ne pas être antigéniquement apparenté à celui-ci. Il ne s'agit donc nullement d'un blocage du potentiel de réponse immunitaire de l'individu. En d'autres termes, l'état de tolérance immunitaire est aussi spécifique d'un antigène que l'est la réponse immunitaire. Il est aussi fondamental que celle-ci pour le fonctionnement normal du système immunitaire et le maintien de l'homéostasie de l'organisme. Sa fonction essentielle est de préserver l'individu de l'autoréactivité immunologique vis-à-vis de ses antigènes constitutifs (antigènes du soi) dont les conséquences (auto-immunité) pourraient être désastreuses.

Peter Medawar - crédits : Central Press/ Hulton Archive/ Getty Images

Peter Medawar

La tolérance est un processus très complexe dont les mécanismes sont encore imparfaitement connus et font actuellement l'objet de recherches intensives. Celles-ci doivent beaucoup aux travaux expérimentaux remarquables des pionniers de ce domaine entrepris en 1953-1954 par P. B. Medawar, L. Brent et R. E. Billingham en Grande-Bretagne, M. Hasek en Tchécoslovaquie et, ultérieurement, par d'autres biologistes, notamment sur les chimères de poulet et de caille par N. Le Douarin en France.

Depuis 1988, deux nouvelles voies d'approche ont permis des progrès décisifs : l'utilisation des souris transgéniques, notamment les souris SCID (pour severe combined immunodeficiency), et des superantigènes (certaines toxines bactériennes protéiques et les produits des gènes Mls-1 murin) spécifiques de séquences particulières de la région variable de la chaîne β du récepteur des lymphocytes T.

Caractéristiques générales de la tolérance

L'état de tolérance est un phénomène central, car il relève directement d'une perturbation de populations lymphocytaires B et (ou) T normalement effectrices, ce qui le distingue des défaillances contingentes de la réponse immunitaire, telles celles découlant de transferts passifs d'anticorps qui neutraliseraient les antigènes correspondants ou d'un défaut de présentation de ceux-ci aux lymphocytes par blocage de leur apprêtement (cf. infra), comme c'est le cas dans l'injection expérimentale de carbone colloïdal chez l'animal (blocage du système réticulo-endothélial).

Certaines situations de non-réponse ne relèvent pas de la tolérance, notamment l'incapacité innée génétiquement déterminée de la reconnaissance par l'hôte de certains antigènes ou l'absence de réponse due à la non-immunogénicité du produit administré. Il faut, par ailleurs, distinguer la tolérance du phénomène de l'immunosuppression (non spécifique d'antigène) d'origine pathologique (cancer, sida, etc.) ou provoqué par l'administration d'immunosuppresseurs (médicaments cytotoxiques, sérums antilymphocytaires, etc.) ou par l'exposition à des radiations ou à des particules ionisantes.

L'état de tolérance peut se présenter sous deux aspects : la tolérance naturelle (spontanée), qui se rapporte à l'absence habituelle mais non absolue (cf. infra) d'auto-immunité vis-à-vis des antigènes propres à l'individu, et la tolérance acquise, induite expérimentalement. Cette induction artificielle de l'état de tolérance chez l'animal (souris, lapin, autres espèces) est relativement difficile. Les tolérogènes utilisés peuvent être des haptènes, des polyosides bactériens (dextranes, lévanes, nombreux hétéropolyosides), des allo-antigènes ou, de préférence, des xéno-antigènes protéiques, solubles, ou des cellules xénogéniques ou allogéniques (cellules spléniques dans les expériences de Medawar).

Induction expérimentale de la tolérance

Cette induction dépend étroitement du receveur, de l'antigène et de facteurs contingents (dose d'antigène, durée et conditions de la stimulation, adjonction d'immunosuppresseurs, etc.). En ce qui concerne le receveur, elle est étroitement liée au niveau de maturité du système immunitaire (immunocompétence) de celui-ci. Plus ce niveau est élevé, plus la tolérance est difficile à induire. Celle-ci pourra donc être beaucoup plus facilement établie au cours de la vie fœtale ou chez le nouveau-né (système immunitaire immature). Chez l'adulte, on devra recourir à l'administration de doses élevées d'antigène associée à une immunosuppression. Chez un animal pré-immunisé, contre un antigène donné, l'établissement d'une tolérance vis-à-vis de celui-ci est toujours très difficile.

L'induction de la tolérance dépend étroitement de la nature chimique et parfois de l'état physique des antigènes aussi bien thymo-dépendants que thymo-indépendants (cf. antigènes). Ces derniers, qui comprennent notamment les polyosides bactériens et les polymères synthétiques d'acides α-aminés de la forme chirale D (ceux constitutifs des protéines sont de la forme L), sont fortement tolérogènes (aux doses appropriées), en raison de leur catabolisme très lent ou quasi nul qui permet leur persistance très longue dans l'organisme. Selon l'état physique de certains antigènes protéiques, ceux-ci seront immunogènes ou tolérogènes. Ainsi, les formes agrégées des immunoglobulines et de l'albumine sérique xénogénique, ou la flagelline polymérique bactérienne sont immunogènes (il en sera de même pour divers antigènes adsorbés sur des particules inertes, telles l'hydroxyde d'aluminium dans les vaccins). En revanche, les mêmes molécules administrées sous leur forme monomérique soluble seront tolérogènes en raison de leur faible phagocytabilité et de leur diffusibilité dans tout l'organisme. La modification chimique de certains antigènes protéiques (acéto-acétylation ou autres traitements) les rend également tolérogènes.

La dose d'antigène est un des facteurs critiques conditionnant l'induction de la tolérance. Celle-ci sera ainsi d'autant plus aisée à réaliser et durable que la dose administrée sera plus élevée et supérieure aux concentrations optimales immunogènes. Il sagit du phénomène de tolérance de haute dose qui concerne la tolérisation des lymphocytes B et T. À l'inverse, on réalise une tolérance de base dose en injectant des doses infra-immunogéniques de 100 à 1 000 fois inférieures à celles utilisées pour induire la tolérance de haute dose. La tolérance de basse dose concernera uniquement les lymphocytes T. La voie d'administration de l'antigène est également un facteur important. L'injection intramusculaire ou sous-cutanée de celui-ci favorise l'immunogénicité, alors que les voies orale et intraveineuse sont plus propices à l'induction de la tolérance. Celle-ci pourra être rompue par l'injection de molécules ayant une réactivité antigénique croisée avec le tolérogène.

La tolérance induite expérimentalement persiste tant que l'antigène reste dans l'organisme et s'atténue avec son élimination progressive, sauf relance par de nouvelles injections de tolérogène. Dès l'élimination totale de celui-ci, les lymphocytes T et B nouvellement générés par le thymus et la moelle osseuse rétabliront la situation antérieure à l'état de tolérance induite, sauf, bien entendu, pour la tolérance naturelle aux antigènes du soi présents en permanence.

Mécanismes de la tolérance

Les théories n'ont pas manqué depuis cinquante ans pour expliquer ce phénomène fondamental dont on sait actuellement, grâce aux progrès réalisés à partir de 1986, qu'il implique plusieurs processus non exclusifs les uns des autres, mais dont les mécanismes fins et leur régulation sont loin d'être élucidés.

Selon la théorie dite de la délétion clonale (formulée par M. F. Burnet et F. Fenner dès 1949, qui a servi de base à la théorie de sélection clonale de Burnet et N. K. Jerne en 1954), c'est au cours de la vie fœtale que le système immunitaire encore immature de l'embryon apprend à distinguer le soi du non-soi par l'élimination (délétion) des clones lymphocytaires, qui rencontrent et reconnaissent, par leurs récepteurs de surface, les antigènes du soi (clones autoréactifs). Seuls surviveraient les clones dont les récepteurs seraient spécifiques des antigènes exogènes (non-soi) susceptibles d'entrer en contact avec l'individu tout au long de sa vie. Medawar et ses collègues, en 1953, montraient effectivement, dans leurs expériences de tolérance expérimentale, que l'injection de cellules spléniques d'une souris A à un souriceau nouveau-né B d'une autre lignée le rendait tolérant aux antigènes de A. À l'âge adulte, la souris B n'était plus capable de rejeter une greffe de peau de la souris A, ce qui aurait dû être normalement le cas.

La délétion clonale des lymphocytes T et B a été expérimentalement confirmée depuis 1976, et les mécanismes de ce processus, qualifiés de sélection négative, ont été de mieux en mieux compris, surtout à partir de 1988, grâce à l'utilisation des souris transgéniques et des superantigènes, et à une meilleure compréhension des signaux de régulation et des interactions cellulaires au sein du système immunitaire. L'élimination des clones T autoréactifs s'effectue dans le thymus (région centrale des lobules thymiques appelée medulla) et celle des clones B autoréactifs dans le foie et la moelle osseuse fœtale.

Depuis quelques années, on sait que la délétion clonale n'est pas le seul mécanisme mis en jeu dans la tolérance, mais qu'un autre processus aussi important, sinon plus important, l' anergie clonale des lymphocytes B et T, est impliqué, et peut-être d'autres phénomènes suppresseurs. Ces nouveaux mécanismes permettent de rendre compte de la tolérance vis-à-vis des auto-antigènes qui n'atteignent jamais le thymus ou de ceux synthétisés tardivement au cours de la vie fœtale. L'anergie clonale a été expérimentalement démontrée. Elle n'implique pas l'élimination de clones lymphocytaires. Ceux-ci restent détectables dans la circulation et les tissus lymphoïdes, mais s'avèrent fonctionnellement inactifs. Les mécanismes moléculaires de l'anergie restent pratiquement inconnus. Il est évident que tout déréglement de cette « réduction au silence » des clones entraînera leur réactivation parfois brutale et, consécutivement, une situation auto-immunitaire pathologique.

— Joseph ALOUF

Immunités locales

Le concept d'immunité locale

La réponse immunitaire d'un organisme à un antigène de l'environnement dépend de la voie d'introduction de la substance antigénique. Injectée par voie sous-cutanée, une molécule protéique pourra déclencher la production d'anticorps spécifiques. Introduite dans la peau par voie intradermique, cette même protéine induira une réaction d'hypersensibilité de type retardé. Enfin, administrée par voie orale, elle pourra au contraire entraîner la production d'anticorps au niveau des muqueuses, ou encore une tolérance immunitaire spécifique, définie par l'absence de réaction d'hypersensibilité et de production d'anticorps sériques.

C'est à Besredka, chercheur russe travaillant à l'Institut Pasteur de Paris sous la direction de Metchnikoff, que l'on doit le concept d'immunité locale, initialement décrit comme immunité tissulaire ou « immunité sans anticorps ». Besredka avait démontré l'effet protecteur de l'administration orale du bacille de Shiga, agent de la dysenterie, et la possibilité de protéger le cobaye par inoculation intradermique, mais non souscutanée, du bacille du charbon. Pour Besredka, « chaque virus a son organe et chaque organe a son immunité ». Ce concept fut ensuite étendu à l'immunité contre le cancer, lors d'expériences où Besredka montra que l'inoculation intradermique de cellules de sarcome chez la souris aboutissait à la guérison de la tumeur, tandis que l'injection sous-cutanée du même nombre de cellules tumorales induisait un cancer de forme extensive et rapidement mortelle.

C'est au cours des dernières années que le concept d'immunité locale, longtemps critiqué, a pris une place importante dans l'étude des mécanismes immunologiques de protection de l'organisme. Les expériences chez l'animal et l'étude de la pathologie humaine ont montré que les revêtements cutanés et muqueux ne fonctionnaient pas seulement comme des barrières empêchant la pénétration d'agents infectieux et de macromolécules. Ces revêtements sont aussi des sites de « présentation » de l'antigène, à l'origine de réactions immunitaires particulières qui mettent en jeu deux secteurs du système immunitaire. Le premier, désigné par le sigle M.A.L.T. (mucocae-associated lymphoid tissue), est propre aux muqueuses et le second, appelé S.A.L.T. (skin-associated lymphoid tissue), ou encore S.I.S. (skin immune system), correspond à la peau. Il conviendrait d'y ajouter certains territoires où les réactions immunologiques diffèrent de celles qui sont observées dans le reste de l'organisme, notamment le placenta et le système nerveux central.

L' initiation de la réponse immunitaire dans l'épiderme fait intervenir essentiellement des cellules ayant pour fonction de capter l'antigène et de le présenter aux lymphocytes T. Il s'agit des cellules de Langerhans, issues de la moelle hématopoïétique, localisées dans l'épiderme et susceptibles, après stimulation antigénique, de pénétrer dans le derme et de migrer vers le ganglion lymphatique régional où elles forment les cellules interdigitantes dans le cortex profond. En outre, les autres cellules épidermiques, les kératinocytes, peuvent produire un ensemble de médiateurs ou cytokines (analogues des interleukines 1 et 3), des interférons, des facteurs stimulant les colonies granulocytaires et monocytaires ainsi que des anticytokines. Les unes ont un rôle amplificateur, les autres un effet suppresseur de la réaction des lymphocytes T ou des cellules tueuses naturelles NK.

Le micro-environnement cutané, qui a souvent été comparé à celui du thymus, crée des conditions très favorables au développement d'une réponse immunitaire cellulaire, T-dépendante, sans production d'anticorps. Il y a de nombreux exemples de pathologie infectieuse (lèpre, leishmaniose, etc.) où la mise en jeu de cette réponse aboutit à une maladie asymptomatique ou d'extension limitée. Sa défaillance, en revanche, est responsable d'une infection généralisée où, malgré la production de taux élevés d'anticorps, l'organisme est incapable d'éliminer l'agent pathogène.

Les muqueuses sont le site principal de pénétration des agents infectieux. Chaque muqueuse dispose d'un ensemble de mécanismes non spécifiques destinés à éliminer ou à détruire ces agents pathogènes : mouvements ciliaires de l'arbre respiratoire, acidité gastrique et enzymes des glandes digestives, flore microbienne intestinale, acidité vaginale, flux des liquides de sécrétion. Les anticorps contenus dans le sang ne passent pas dans les sécrétions muqueuses. Ces dernières contiennent des anticorps sécrétoires produits par des plasmocytes localisés dans la muqueuse ; ils sont issus de lymphocytes B provenant des organes lymphoïdes du tube digestif. Le système immunitaire des muqueuses fait l'objet d'une régulation très particulière. Certains sites anatomiques sont spécialisés dans la pénétration de l'antigène et l'induction d'une réponse immunitaire : anneau de Waldeyer (amygdales, végétations adénoïdes) au carrefour aérodigestif, plaques de Peyer dans l'intestin grêle. Les autres territoires muqueux sont recouverts d'un film d'anticorps sécrétoires destinés à empêcher la pénétration des antigènes. Par ailleurs, le système immunitaire des muqueuses doit permettre la production d'anticorps contre les agents infectieux sans induire de réactions pathologiques (allergies) vis-à-vis de tous les antigènes apportés chaque jour dans notre alimentation.

La glande mammaire est associée au système immunitaire des muqueuses. Les antigènes pénétrant dans l'intestin maternel induisent la stimulation de lymphocytes B puis leur maturation en plasmocytes qui vont se localiser dans la glande mammaire et qui produisent les anticorps IgA sécrétoires du lait maternel. Ainsi est assurée la protection passive du nouveau-né, d'une manière spécifique, adaptée à l'environnement maternel.

Le placenta est situé à l'interface entre l'organisme maternel et le fœtus. Il exerce des fonctions de barrière, de filtre sélectif et de régulation locale de la réponse immunitaire. Les cellules du trophoblaste assurent le transport des anticorps maternels vers la circulation fœtale, par liaison à des récepteurs spécifiques et passage sans dégradation à travers ces cellules. Seuls les anticorps de classe IgG sont transmis au fœtus. Si l'on trouve à la naissance dans le sang du cordon des anticorps d'autres classes (IgM, IgE...), ils ont été produits par le fœtus. Par exemple, si la mère a été exposée pendant le premier trimestre de sa grossesse à la rubéole ou à la toxoplasmose, la présence d'anticorps IgM dans la circulation fœtale montre que l'agent pathogène a bien été transmis au fœtus. Si ces anticorps sont exclusivement de classe IgG, ils sont probablement d'origine maternelle. La mère peut aussi transmettre au fœtus des anticorps pathogènes tels que des auto-anticorps ou encore des allo-anticorps antiérythrocytes dans le cas de la maladie hémolytique périnatale. Les mécanismes permettant l'acceptation temporaire de l'allogreffe fœtale par le système immunitaire maternel ne sont que partiellement élucidés. Les anticorps anti-HLA, présents chez 10 p. 100 des primigestes et chez 35 p. 100 des femmes ayant eu plus de trois grossesses, ne diminuent pas la fécondité et ne sont pas pathogènes pour le fœtus, probablement du fait de leur absorption et de leur dégradation par le placenta. Le fœtus dispose de mécanismes suppresseurs très puissants empêchant la prolifération des cellules maternelles, évitant ainsi le développement d'une réaction du greffon contre l'hôte, c'est-à-dire l'attaque des tissus fœtaux par les lymphocytes T de la mère. Ces fonctions suppressives mettent en jeu différentes cytokines produites par le placenta.

Le système nerveux central est séparé du tissu lymphoïde par la barrière hémato-méningée (cf. histologie), imperméable aux anticorps. Les anticorps du liquide céphalorachidien sont donc produits au sein du système nerveux central, par un petit nombre de clones de cellules B, ce qui explique la restriction d'hétérogénéité de ces anticorps. On les observe dans les méningo-encéphalites et dans la sclérose en plaques. Le système nerveux central contient des macrophages et des cellules gliales qui possèdent certaines propriétés des macrophages. Les lymphocytes T stimulés localement par des antigènes de virus peuvent induire des réactions d'hypersensibilité (ex. : leuco-encéphalite sclérosante subaiguë due au virus de la rougeole). Des modèles expérimentaux de maladies auto-immunes relevant des mêmes mécanismes ont été décrits, mais dans ces cas les lymphocytes T reconnaissent des constituants normaux du système nerveux tels que le peptide de la myéline dans l'encéphalite allergique expérimentale. Des réactions d'immunité locale comparable à celles du système nerveux central peuvent être observées au niveau de l'œil.

Le concept d'immunité locale conduit à étudier les modalités de mise en jeu des réactions immunitaires particulières à chaque organe ou à chaque tissu. Il a permis de découvrir de nouvelles molécules immunorégulatrices (cytokines) produites localement par différents types cellulaires, d'analyser les phénomènes de migration et de localisation préférentielle (écotaxie) des cellules immunitaires. La connaissance des mécanismes de l'immunité locale est indispensable à une meilleure compréhension des réactions immunopathologiques.

— Jean-Pierre REVILLARD

Immunité des muqueuses et anticorps sécrétoires

Les muqueuses représentent le plus grand site d'exposition du système immunitaire aux antigènes de notre environnement et la principale voie de pénétration d'agents infectieux bactériens, viraux, parasitaires ou fungiques. Les mécanismes de défense des muqueuses comprennent des éléments cellulaires et moléculaires, les uns spécifiques de l'antigène (anticorps et lymphocytes T), les autres non spécifiques. Malgré leur dispersion anatomique dans l'organisme, les muqueuses disposent d'un même système immunitaire interconnecté par un trafic de cellules lymphoïdes et caractérisé par des mécanismes régulateurs communs. L'immunité humorale spécifique est assurée par un film protecteur d'anticorps sécrétoires, produits par des plasmocytes au contact des épithéliums muqueux et transportés par les cellules épithéliales vers les sécrétions glandulaires ou muqueuses. Ainsi l'immunisation par voie orale pourra-t-elle induire une réponse immunitaire au niveau des formations lymphoïdes de l'intestin grêle, les plaques de Peyer, aboutissant à la migration des cellules B et à la production d'anticorps sécrétoires dans les larmes, la salive, les voies respiratoires, le tube digestif et les voies génito-urinaires. Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est désigné par le sigle M.A.L.T. La partie associée à l'intestin (gut) est appelée G.A.L.T., celle qui est localisée dans les bronches B.A.L.T.

Les IgA sécrétoires

IgA, sécrétoire du colostrum - crédits : Encyclopædia Universalis France

IgA, sécrétoire du colostrum

La principale classe d'anticorps dans les liquides de sécrétion est formée par les IgA sécrétoires. Les IgA ont été découvertes par J. F. Heremans et ses collaborateurs en 1959. Les IgA du sérum sont pour la plupart (90 p. 100) des monomères formées de deux chaînes lourdes α et de deux chaînes légères κ ou λ. Il existe deux isotypes de chaînes lourdes α1 et α2 définissant les deux sous-classes IgA1 et IgA2, qui diffèrent essentiellement par une séquence peptidique de la région charnière présente dans les IgA1 et absente des IgA2. Cette séquence possède les sites spécifiques d'attaque de nombreuses protéases d'origine bactérienne qui dégradent les IgA1 mais pas les IgA2. Environ 10 p. 100 des IgA du sérum et la totalité des IgA sécrétoires sont des dimères ou des polymères de molécules d'IgA, associées de façon covalente par une chaîne de jonction J. Les IgA2 représentent de 10 à 20 p. 100 des IgA du sérum et de 26 à 40 p. 100 des IgA sécrétoires.

Les Ig dimériques ou polymériques (IgM, IgA) produites localement font l'objet d'un transport par la cellule épithéliale : elles se lient avec une forte affinité (2,5 × 108 L/M) à une glycoprotéine membranaire – le récepteur poly-Ig. Celui-ci est une protéine de 110 kDa, très fortement glycosylée, organisée en domaines de structure homologue à ceux des Ig et des autres membres de la « superfamille » des protéines membranaires. Le complexe IgA (ou IgM)-récepteur est endocyté pour former des vésicules dites « recouvertes » qui fusionnent pour devenir des inclusions, les endosomes. Ceux-ci migrent vers le pôle apical tandis que l'IgA contracte une liaison covalente avec le récepteur. Ce dernier fait l'objet d'une protéolyse qui aboutit à la libération d'Ig dimériques ou polymériques liées au composant sécrétoire. Ce transport actif explique la prédominance des IgA et IgM dans les sécrétions. Les autres Ig dépourvues de chaîne J (IgA monomérique, IgG et IgE) passent par diffusion passive à travers les complexes jonctionnels des cellules épithéliales. Cette diffusion est augmentée dans les réactions inflammatoires ou en cas de synthèse locale. L'expression du composant sécrétoire est augmentée par l'interféron γ et, en certains sites, par les stéroïdes sexuels, ce qui entraîne vraisemblablement une augmentation du transport des IgM et IgA. La présence de composant sécrétoire libre dans les sécrétions permet de penser que ce processus de transport actif n'est pas limitant dans les conditions physiologiques.

Le taux de synthèse d'IgA par la moelle, la rate et les ganglions est de l'ordre de 1 200 mg/j chez l'adulte, dont seulement 20 mg passent dans les sécrétions, le reste étant catabolisé par le foie et peut-être d'autres sites (rein, peau ?). L'excrétion d'IgA plasmatiques dans la bile n'excède pas 50 mg/j, alors qu'elle est très importante chez le rat, la souris et le lapin. Le taux de synthèse d'IgA par les plasmocytes des muqueuses et des glandes salivaires et lacrymales est de l'ordre de 3 200 mg/j, dont plus de 90 p. 100 sont excrétés et moins de 10 p. 100 passent dans la circulation sanguine. Ces données métaboliques, établies par Delacroix, sont essentielles pour comprendre la dualité anatomique du système producteur d'anticorps, dont une partie est orientée vers la circulation sanguine et une autre vers les muqueuses et les glandes exocrines.

Les formations lymphoïdes associées aux muqueuses

Les muqueuses contiennent des leucocytes intra-épithéliaux constitués de lymphocytes T, pour la plupart CD8+ (cf. Immunocytes) et de cellules tueuses naturelles ou lymphocytes NK. Ces cellules lymphoïdes interagissent avec l'épithélium muqueux et produisent des lymphokines qui contrôlent la prolifération et la différenciation des cellules épithéliales.

La lamina propria de l'intestin et le tissu conjonctif des muqueuses contiennent plusieurs types de leucocytes. Les mastocytes jouent un rôle essentiel dans les phénomènes d' allergie (conjonctivite, rhinite spasmodique, asthme, allergie digestive) et dans la défense contre les parasites. Leur production par la moelle osseuse est contrôlée par l'interleukine-4. Les polynucléaires éosinophiles, très peu nombreux à l'état normal, sont produits par la moelle osseuse sous le contrôle de l'interleukine-5. Ils interviennent aussi dans l'allergie et l'immunité antiparasitaire. Leurs granules intracytoplasmiques contiennent une protéine basique très toxique, génératrice de lésions tissulaires lorsqu'elle est libérée dans le milieu extracellulaire. Des lymphocytes T, portant des récepteurs pour l'antigène de type αβ ou γδ (cf. Immunocytes) peuvent assurer une production locale d'interleukines. Les cellules de la lignée B sont des plasmocytes producteurs d'IgA (85 p. 100), d'IgM (10 p. 100) ou d'IgG (5 p. 100). Les plasmocytes à IgE, normalement très peu nombreux, augmentent en cas d'allergie ou de parasitose.

À côté des leucocytes disséminés, les muqueuses contiennent des formations lymphoïdes agrégées : follicules lymphoïdes isolés, formations lymphoïdes de l'anneau de Waldeyer au carrefour aérodigestif (amygdales et végétations adénoïdes) et de l'appendice, et surtout plaques de Peyer de l' intestin grêle. Au nombre de 200 chez l'homme, ces dernières sont formées de gros follicules lymphoïdes, comportant pour 30 à 50 p. 100 d'entre eux des centres germinatifs, entourés de lymphocytes T. Ces plaques sont recouvertes d'un dôme épithélial avec des cellules M qui assurent le transport de l'antigène vers les cellules dendritiques et les lymphocytes. Les cryptes des amygdales, comme les dômes des plaques de Peyer, sont les seules zones muqueuses dont les cellules soient dépourvues de récepteurs poly-Ig, donc d'IgA sécrétoires. Cela permet la pénétration des antigènes dans ces territoires lymphoïdes et l'induction d'une réponse immunitaire. Amygdales et plaques de Peyer n'ont pas de vaisseaux lymphatiques afférents. Les cellules qui les constituent naissent sur place par division ou bien proviennent du sang par passage à travers les veinules postcapillaires. Les lymphocytes issus des plaques de Peyer migrent par des lymphatiques afférents vers les ganglions mésentériques. Le développement des formations lymphoïdes associées aux muqueuses dépend de la flore microbienne. En l'absence de colonisation bactérienne de l'intestin, le système lymphoïde intestinal demeure atrophique. Par ailleurs, la production d'anticorps IgA est strictement dépendante de l'action du thymus et des lymphocytes T ; elle est absente chez les souris thymoprives.

L'immunisation par voie orale

Quelques expériences chez l'homme ont montré que l'on pouvait induire la production d'anticorps sécrétoires par application locale de virus herpès ou polio inactivés dans le vagin ou le colon. La réponse est alors strictement locale. Chez le singe, l'application sur la lèvre de Streptococcus mutans (bactérie responsable de la formation de la plaque dentaire à l'origine des caries) ou l'inoculation intranasale de différents virus ont permis d'obtenir des anticorps IgA salivaires. Chez l'homme, l'immunisation par voie orale est réalisée par le vaccin polio vivant atténué de Sabin et, à titre expérimental, avec des bactéries ou virus inactivés (Vibrio cholerae, Haemophilus influenzae, Streptococcus mutans, Virus influenzae). Cette immunisation aboutit à la synthèse d'anticorps sécrétoires, principalement de classe IgA, dans différentes muqueuses et glandes exocrines. Les mécanismes de ce type particulier de réponse immunitaire ont été étudiés par les expérimentations animales d'immunisation par voie orale.

L'antigène natif, ou partiellement dégradé par l'action des enzymes digestifs et de l'acidité du suc gastrique, est capté par des cellules qui présentent l'antigène (CPA) aux lymphocytes T et B. Plusieurs types cellulaires sont des candidats possibles pour cette fonction : les cellules M des cryptes des amygdales et du dôme des plaques de Peyer, les cellules dendritiques des plaques de Peyer qui interagissent avec les lymphocytes T, les macrophages et les entérocytes eux-mêmes à l'apex des villosités intestinales. Les antigènes protéiques sont associés sous forme de peptides aux antigènes HLA de classe II et présentés aux lymphocytes CD4+. D'autres épitopes de l'antigène sont reconnus par des lymphocytes B. Sous l'action de l'IL-10, du TGFβ et d'autres médiateurs produits par les cellules T et non encore caractérisés, la majorité des lymphocytes B matures des plaques de Peyer ont des anticorps IgA de surface comme récepteurs pour l'antigène. La stimulation de ces cellules aboutit à leur expansion clonale et leur différenciation favorisée par différentes interleukines et par l'interaction directe avec des lymphocytes T ayant à leur surface des récepteurs d'IgA. Parallèlement, d'autres lymphocytes T, dits suppresseurs, inhibent sélectivement l'expansion des clones de cellules B productrices d'IgM, d'IgG et d'IgE. Les lymphocytes B à IgA de surface migrent par les vaisseaux lymphatiques efférents vers les ganglions mésentériques, puis par le canal thoracique vers la circulation sanguine pour aller se localiser dans la lamina propria de l'intestin, au contact de l'épithélium des voies biliaires, des glandes lacrymales, salivaires, bronchiques, de la glande mammaire, des voies uro-génitales et peut-être des amygdales. Dans ces différents sites, ils achèvent leur maturation en plasmocytes sécréteurs d'anticorps IgA polymériques qui seront transportés par les cellules épithéliales vers les fluides sécrétoires. Ces plasmocytes ont une durée de vie de quelques jours, de sorte que le maintien de la production d'anticorps sécrétoires nécessite la mise en jeu permanente de ce processus de prolifération, différenciation et circulation des cellules productrices d'anticorps. La localisation des lymphocytes dans les muqueuses fait intervenir des interactions entre des molécules d'adhésion à la surface des lymphocytes et des cellules endothéliales des veinules postcapillaires.

— Jean-Pierre REVILLARD

— Dominique KAISERLIAN-NICOLAS

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Classification

Pour citer cet article

Joseph ALOUF, Michel FOUGEREAU, Dominique KAISERLIAN-NICOLAS et Jean-Pierre REVILLARD. IMMUNITÉ, biologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis [s.d.]. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Système immunitaire - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Système immunitaire

Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire

Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle

Autres références