VÉGÉTAL
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Bien qu’étant a priori simple et couramment utilisée, la notion de végétal est difficile à définir et n’a pas de pertinence en classification. Traditionnellement, on considérait comme des végétaux de nombreux organismes fixés tels les plantes et les champignons, les algues et certains organismes unicellulaires.
Ce regroupement très artificiel s’explique par opposition aux animaux : tout ce qui n’était pas considéré comme animal était rangé par défaut dans le règne végétal. Aujourd’hui encore, on trouve dans certains ouvrages de biologie végétale des chapitres entiers traitant des champignons ou des cyanobactéries, organismes qui ne sont plus envisagés comme des végétaux.
Quels sont les organismes considérés aujourd’hui comme des végétaux ?
Historiquement, les végétaux ont été définis comme des organismes immobiles incapables de se mouvoir activement, par opposition aux animaux. Cette opposition fondée sur la mobilité des organismes est largement présente à l’esprit du grand public et se retrouve dans le langage courant : un état « végétatif » qualifie une absence de mouvements, au contraire de l’état « animé » de la plupart des animaux. Cette notion d’immobilité des végétaux est fausse. En effet, les plantes sont nombreuses à réaliser certains mouvements : par exemple les feuilles se positionnent souvent différemment entre le jour et la nuit, tandis que chez d’autres espèces les tiges effectuent des mouvements en hélice au cours de leur croissance. Par ailleurs, il existe de nombreux végétaux microscopiques aquatiques qui nagent activement, souvent à l’aide de flagelles. Les mouvements des végétaux sont une preuve que ceux-ci, même fixés, sont sensibles aux conditions de leur environnement et répondent à certaines stimulations de façon adaptée.
C’est la photosynthèse qui caractérise la grande majorité des végétaux. Grâce à la lumière qu’ils absorbent par des pigments tels que la chlorophylle, ils synthétisent des glucides, molécules organiques. Ils convertissent ainsi l’énergie lumineuse en énergie chimique, à partir d’éléments minéraux (notamment l’eau et le dioxyde de carbone) prélevés dans le milieu extérieur. Ce métabolisme, qui a lieu à l’intérieur de leurs chloroplastes, rend les végétaux autotrophes vis-à-vis du carbone puisqu’ils produisent les molécules organiques dont ils ont besoin.
Au contraire, les champignons sont contraints, comme les animaux, de prélever leurs molécules organiques dans le milieu extérieur : on dit que ce sont des organismes hétérotrophes. C’est pourquoi les champignons ne sont nullement des végétaux.
D’un point de vue cellulaire, les végétaux sont des organismes eucaryotes. Qu’ils soient unicellulaires ou pluricellulaires, ils sont constitués de cellules typiquement eucaryotes, c’est-à-dire qui possèdent un noyau contenant l’information génétique ainsi que divers éléments différenciés (organites) tels que les mitochondries et un cytosquelette. Les cyanobactéries, pourtant capables elles aussi de photosynthèse, ne sont plus considérées comme des végétaux puisque ce sont des cellules procaryotes, de taille bien plus petite, dépourvues de noyau et d’organites typiquement eucaryotes.
On peut donc définir les végétaux comme des organismes eucaryotes autotrophes capables de photosynthèse. Ils regroupent ainsi les plantes et l’ensemble des algues, qu’elles soient unicellulaires ou pluricellulaires. Les plantes, toutes issues d’un ancêtre commun qui leur est propre (ancêtre commun dit exclusif), sont des végétaux qui possèdent (à l’exception de quelques rares groupes) des organes différenciés telles les tiges, les feuilles et les racines. Elles ont colonisé quasiment tous les milieux terrestres d’où leur nom de plantes terrestres. Les algues, d’histoires évolutives très différentes suivant les lignées, sont un groupe sans validité scientifique puisque sans ancêtre commun exclusif. On englobe ainsi sous le terme d’algues, tous les organismes végétaux qui ne sont pas des plantes. Leurs formes, de l’organisation unicellulaire à pluricellulaire, sont infiniment variées et leurs couleurs, dépendant de leur équipement pigmentaire, vont du vert au brun en passant par le rouge.
Quelles sont les caractéristiques d’une cellule végétale ?
Il est difficile de décrire une cellule végétale « type » puisque l’on retrouve des différences structurales entre les cellules des diverses lignées d’algues, ou entre des types cellulaires distincts existant au sein d’un même organisme végétal pluricellulaire. En plus des organites typiquement eucaryotes tels que le noyau et les mitochondries, une cellule végétale possède généralement trois structures spécifiques : une paroi, une vacuole et un ou plusieurs chloroplastes.
La paroi est constituée généralement d’une armature de fibres de cellulose liées entre elles par d’autres molécules glucidiques. Cette paroi, externe à la membrane cytoplasmique qui limite le milieu cellulaire interne, impose la forme de la cellule et évite bien souvent son éclatement. Elle est responsable d’une pression de turgescence à l’intérieur de la cellule.
Une cellule végétale possède également une vacuole, compartiment volumineux interne limité par une membrane (appelée tonoplaste). La vacuole stocke essentiellement de l’eau mais aussi diverses molécules solubles (par exemple, ions à rôle osmotique, oses à rôle de réserve énergétique…).
Enfin, une cellule végétale possède des chloroplastes, organites contenant de nombreux petits sacs empilés, appelés thylakoïdes, à membranes riches en pigments photorécepteurs, c’est-à-dire absorbant la lumière. Ces derniers sont variés : en plus des chlorophylles majoritaires (de couleur verte), on rencontre aussi des caroténoïdes (jaunes, orangés) et, chez certaines algues, des phycobilines, pigments orange, rougeâtres ou même bleutés selon les cas. Chaque pigment capte une partie spécifique de la lumière, source d’énergie de la photosynthèse (les chlorophylles captent par exemple le bleu et le rouge de la lumière visible). Les chloroplastes contiennent également toutes les enzymes et autres molécules nécessaires à la photosynthèse. Par exemple, la Rubisco est une enzyme abondante du stroma (zone du chloroplaste extérieure aux thylakoïdes) : elle catalyse la fixation du CO2 lors du cycle de Calvin (seconde phase de la photosynthèse qui permet la fabrication de glucides).
Les limites à la définition de végétal
Si la photosynthèse est une caractéristique des végétaux, celle-ci est aussi pratiquée par d’autres organismes, comme de nombreuses bactéries. Certaines d’entre elles le font à partir d’eau ou de sulfure d’hydrogène. Dans ce dernier cas, la photosynthèse est dite anoxygénique car elle rejette non pas du dioxygène mais du soufre. D’autres, appelées cyanobactéries, sont à photosynthèse oxygénique comme celle des plantes (car l’eau oxydée donne du dioxygène qui est libéré). Les cyanobactéries présentent de remarquables similarités avec les chloroplastes, ce qui a conduit notamment à l’émergence de la théorie endosymbiotique. Cette théorie postule que les chloroplastes des végétaux (du moins ceux de la lignée verte) proviennent de la transformation de cyanobactéries qui ont été capturées (phagocytées) il y a longtemps par une cellule eucaryote hétérotrophe. La comparaison des génomes de chloroplastes et de cyanobactéries a confirmé cette théorie puisqu’on y retrouve des similitudes de séquences génétiques.
Par ailleurs, certaines espèces végétales ont perdu plus ou moins partiellement leurs capacités photosynthétiques au cours de l’évolution, en devenant parasites d’autres espèces végétales. Ces espèces parasites prélèvent, à l’aide d’organes qualifiés de suçoirs, des molécules organiques et minérales dans la sève de leur hôte. Les exemples de plantes parasites sont nombreux : on peut citer les cuscutes, à tiges grêles et rougeâtres parasitant toutes sortes de plantes herbacées ou d’arbustes, ou encore la néottie nid d’oiseau, orchidée brun jaunâtre parasitant notamment le pin au niveau de ses racines. On rencontre également des algues partiellement parasites, comme une algue rouge Polysiphonia lanosa qui vit fixée sur l’algue brune – l’ascophylle – et chez laquelle elle prélève notamment des glucides.
Enfin, certains animaux ou champignons peuvent devenir partiellement autotrophes par association symbiotique avec des espèces végétales. C’est le cas des lichens et des coraux, organismes pour les uns terrestres et les autres marins, à grande importance écologique. Un lichen résulte de l’association étroite et durable entre les filaments d’un champignon et de nombreuses algues vertes unicellulaires. Le corail, quant à lui, correspond à de petits animaux coloniaux fixés sur le fond marin peu profond et qui hébergent des algues unicellulaires dans leurs propres cellules. Dans les deux cas, les algues unicellulaires confèrent par la symbiose, une autotrophie (du moins partielle) au champignon ou à l’animal. Du point de vue de leur métabolisme, on pourrait alors considérer les lichens et les coraux comme des organismes végétaux. Pour aller encore plus loin, un exemple original est sans doute celui de l’élysie émeraude (Elysia chlorotica), une limace de mer qui récupère les chloroplastes des algues dont elle se nourrit. Ceux-ci subsistent dans certaines de ses cellules épithéliales et la nourrissent partiellement en continuant à effectuer la photosynthèse.
Les lignées eucaryotes réellement photosynthétiques possèdent des chloroplastes d’origines différentes. Ainsi les plantes terrestres possèdent des chloroplastes qui proviendraient de l’endosymbiose d’une cyanobactérie (dite endosymbiose primaire) alors que, chez certaines algues, le chloroplaste résulterait de l’endosymbiose d’une cellule végétale contenant déjà un chloroplaste (dite endosymbiose secondaire). Ces hypothèses reposent sur le fait que les chloroplastes des végétaux sont différents, par le nombre de membranes qui les entourent, ou encore par les pigments qu’ils contiennent. Par exemple, les chloroplastes des plantes sont entourés de deux membranes (issues d’une endosymbiose primaire) tandis que ceux des algues brunes sont entourés de quatre membranes (issues d’une endosymbiose secondaire).
À l’inverse, certains groupes actuels non photosynthétiques et non considérés comme végétaux ont en réalité perdu leurs chloroplastes au cours de l’évolution. C’est le cas par exemple de Plasmodium, l’agent du paludisme, qui possède un chloroplaste résiduel.
La diversité des chloroplastes reflète donc que la photosynthèse est une fonction qui a été acquise plusieurs fois au cours de l’évolution par différents événements d’endosymbiose : c’est une convergence. Les végétaux actuels n’ont pas un unique ancêtre commun qui leur soit exclusif : on ne peut donc pas les considérer comme un groupe monophylétique valide du point de vue de la classification. Cette capacité de photosynthèse place les végétaux à la base du fonctionnement de la plupart des écosystèmes : ce sont les premiers maillons de la quasi-totalité des chaînes alimentaires. Le terme « végétal » a donc principalement une définition écologique.
Bibliographie
S. Meyer, C. Reeb & R. Bosdeveix, Botanique, biologie et physiologie végétales, 2e éd., Maloine, Paris, 2008
B. De Reviers, Biologie et phylogénie des algues, t. 1, Belin, Paris, 2002 ; t. 2, 2003
M.-A. Selosse, « Les végétaux existent-ils encore ? », in Pour la science, no 77, 2012.